Sipois, Cermier de (P. A. N.) [signé] [1649], LETTRE DV SIEVR CERMIER DE SIPOIS, A MONSEIGNEVR LE DVC D’ORLEANS. SVR LES DEFFIANCES DE de quelques particuliers touchant la Paix. , français, latinRéférence RIM : M0_2198. Cote locale : A_5_87.
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pres à Bruges, la foule s’y escoule comme l’eau qui a
son cours : le Comte y entre auec les autres, ayant perdu
sa peine à ramasser ses gens, & s’enferme dans son chasteau.
Mais il y eut encore plus, les Gantois suiuant la
file, tuans & pourchassans les fuyarts, entrent pesle-mesle
auec eux dans Bruges, & gagnent la porte. Alors Arteuelle
ayant promptement pourueu à la garde d’icelle, les
Gantois victorieux, s’ependent par la ville, crians contre
les vaincus, ville gagnée ; & pour les bons citoyens,
liberté : : tuans tout ce qu’ils trouuoient fauoriser le Comte,
cherchans par-cy par-là les maisons de ses seruiteurs,
& crians qu’on espargna les bons citoyens. Le Comte
à ce bruit, prevoyant que son ennemy iroit droit à luy,
sans marchander quitte ses beaux habillemens, & prend
le moindre vestement d’vn sien valet, & ainsi sort de son
chasteau pour chercher retraitte. A peine estoit-il sorty,
que voila son chasteau enuironné, aisément pris, foüille,
pillé, pendant qu’il se sauue chez vne pauure femme,
qui pour tout n’auoit en sa pauure caze qu’vne petite
salette, & au dessus vn plancher auquel on montoit par
vne eschelle coulisse. Le Comte grimpe en cette chambrette ;
la femme le cache dans la paille du lict où couchoient
ses petits enfans, & estant descenduë, oste son
eschelle. Les Gantois ayans rodé par tout à la queste du
Comte, furetans aux moindres maisons l’vne apres l’autre :
arriuent à celle là où estoit le Comte, la foüillent,
montans au lieu où il estoit caché en cet effroy, qui eut
pû lire au cœur de ce pauure Prince, n’eut-il pas leu qua
sa conscience le tançoit de n’auoir pas traitté ses suiets
auec plus de douceux ? L’ayant échapé si belle, il se glise
doucement de cette logette, & se tire hors de la ville
tout seul, à pied, se sauuant de buisson en buisson, de
fossé en fossé, craignant les passans ; comme voicy que
s’estant caché dans vn fossé, il reconnut vn sien domestique,
qui le fit monter sur son cheual en crouppe, &
en cet arroy le sauua à l’Isle.

 



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