Du Tillet [signé] [1652], TRES-HVMBLES REMONSTRANCES PAR ESCRIT FAITES ET PRESENTEES AV ROY PAR MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS EN LA VILLE DE SVLLY SVR LOIRE, CONTRE LE RETOVR ET POVR l’esloignement ou la punition du Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_3841. Cote locale : D_1_55.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 11 --

mesmes les Suisses, destournant les deniers destinez à leur solde,
fait emprisonner Messieurs les Princes de Condé & de Conty, & le
Duc de Longueuille sur des conjectures legeres, s’imaginant qu’vn
attentat de cette nature ne produiroit aucune alteration dans le
Royaume, & qu’on laisseroit souffrir en prison le Sang Royal, sans
en considerer l’importance, interdit le Parlement de Bourdeaux par
mauuais conseils, & contraint la Ville & la Prouince à prendre les
Armes, abandonné aux Espagnols non seulement la Champagne,
mais l’Isle de France & les enuirons de Paris, lors que vos meilleures
Troupes estoient employées pour accabler vos Subjects, fait traduire
les Princes prisonniers en la Citadelle du Havre, lieu incommode
à leur santé, dont ils pouuoient estre aisément enuoyez hors du
Royaume, couuert tous les conseils precipitez ou temeraires du pretexte
specieux de vostre authorité Royale, sans auoir appris en quoy
elle consistoit, laquelle il n’a iamais apprehendé de commettre
sans la soustenir.

 

SIRE, il est tres-necessaire que Vostre Majesté connoisse le
vray estat de la Monarchie Royale : on ne doit proposer à Vostre
Majesté que les exemples des bons & sages Roys, comme celuy de
Henry le grand vostre ayeul, lequel estant pressé de faire verifier
dans vostre Parlement vn Edict nouueau, & ayant apris par la
bouche de Monsieur de Harlay premier President, que ce qu’il
desiroit contre les Loix ne pouuoit passer qu’en employant la puissance
absoluë, ce Prince Iuste & Clement (dit ces paroles dignes
de luy) à Dieu ne plaise que ie me serue iamais de cette autorité
Souueraine qui se destruict souuent en la voulant establir, & à laquelle
ie sçay que les peuples donnent vn mauuais nom.

Nous auons aussi sujet dé croire que l’interest du Cardinal Mazarin
n’a iamais esté que de se seruir de vostre authorité pour maintenir
celle qu’il auoit vsurpé, & empesché les oppositions à son prodigieux
credit qui ne vouloit point estre contrarié. Il voudroit volontiers
persuader à Vostre Majesté qu’il à plus de passion & d’interest
pour vostre puissance Royale que vos Cours Souueraines,
qui en tirent leur premier estre, & leurs continuelles conseruations.
Nous perdrions auec la conscience le iugement, & serions
plus aueuglez qu’vn Sanson, si nos mains esbranloient les Colonnes
qui soustiennent la voute qui nous couure, estant certain que sa
cheute nous accableroit auec nos familles, nos amis & nos biens.

Serions nous bien si mal-heureux qu’il peust entrer dans vostre
esprit, que le Cardinal Mazarin, qui est vn Estranger passant par



page précédent(e)

page suivant(e)