Davenne, François [?] [1650], LETTRE PARTICVLIERE DE CACHET envoyée par la REYNE REGENTE A MESSIEVRS DV PARLEMENT. Ensemble vne response à plusieurs choses, couchées en la Lettre envoyée au Mareschal de Turennes, & aux avis donnez aux Flamans. , françaisRéférence RIM : M0_2250. Cote locale : C_3_9.
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hardiment. Si ie me tais, les pierres parleront : or il est plus
expedient que ie parle, suiuant le sentiment de Dieu, que s’il
estoit obligé de faire entendre sa voix par les insensibles rochers,
parce que l’homme viendroit vne roche, s’il ne vouloit
pas annoncer à ses freres le langage diuin ; & que les pierres
seroient faictes des enfans d’Abraham, si elles leur faisoit retentir
la voix de la Diuinité.

 

Ie ne doute pas qu’on ne me cherche, afin de me perdre, par
ce que ie ne veus pas deuenir vne montagne, priuée de l’humain
sentiment, mais ie sçay que Dieu me trouuera pour me
sauuer, à cause que ie luy obeïs. Ie dirois volontiers aux ennemis
de ma vie, comme IESVS aux Iuifs, pour quelles de mes
bonnes œuures me lapiderez-vous ? mais parce qu’on me repondroit,
comme on luy répondit, Non pas pour des bonnes, mais
pour des mauuaises, ie me veus taire, afin de ne les obliger pas
de parler ; car puis qu’on l’appella Belsebut en Hierusalem,
par ce qu’il leur disoit la verité, ie n’en aurois pas meilleur
marché dans Paris, pour la mesme raison.

Ie ne rougiray iamais de la verité : puisque ie vis par elle,
ie puis mourir pour son amour. Ie ne sçaurois bien reconnoistre
le present de ma vie, qu’en l’exposant au trépas, s’il est besoin :
ie la conserue en la perdant, & ie la perds pour la conseruer :
ie ne crains rien en craignant Dieu : s’il est pour moy,
de qui auray-ie peur ? ie me considere petit, foible & impuissant
deuant la multitude innombrable de mes ennemis,
lesquels, si Dieu permet que ie tombe en leurs mains, peuuent
signaler leur proüesse, auec vne rage pire que celle des
Demons, sur vn corps lequel on leur iette à leur gueulle beante,
pour les assouuir ; mais ie me regarde grand, puissant &
fort en la presence de mes aduersaires, lesquelles ie puis
mettre en mille lambeaux auec le bras diuin, & les vaincre
malgré leur resistance, pour les rendre aussi mattez qu’vne
mouche qui seroit étouffée souz la patte d’vn Lyon. Celuy
qui desliura Daniel de leur bouche, est mon Protecteur : ie
puis, comme Sanson succomber, mais ie ne seray iamais veincu,
qu’en les terrassant.

IESVS a fuy la Croix, ie l’euiteray ; mais si elle me vient au
rencontre, ie luy courray au deuant, comme luy : la prudence



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