Davenne, François [?] [1650], LETTRE PARTICVLIERE DE CACHET envoyée par la REYNE REGENTE A MESSIEVRS DV PARLEMENT. Ensemble vne response à plusieurs choses, couchées en la Lettre envoyée au Mareschal de Turennes, & aux avis donnez aux Flamans. , françaisRéférence RIM : M0_2250. Cote locale : C_3_9.
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son successeur, ne sçauroit où chercher son heritage. D’vn
costé, pour le Domaine, n’en à plus : & de l’autre, au regard de
la Couronne, les tributs en sont partagez à mille brigandeaux.
Vous diriez que le terme de cette prediction s’en va échoir : mais
n’allons pas chercher des Prophetes en Angleterre, les Ecriuains
du Cardinal nous pronostiquent assez, sans y prendre garde (ainsi
que iadis Caife, en vne autre rencontre) ce que ie viens de
coucher icy. Voyez vn peu comme parle celuy qui a fait l’Auis
donné au Mareschal de Turenne, dans tout vn article couché à
la quatriéme page du second fueillet. Ce n’est pas neantmoins qu’il
faille tousiours farder nos maladies, dit-il, (parlant de la France) ny
nous faire vn visage meilleur que nous n’avons pas, Il reste à l’Estat, peu
de parties seines peu qui ne soient tachées & defigurées de quelque corruption : & ie vous avoüe, Monsieur, qu’on diroit, à le voir parvenu au plus
haut comble de ses souhaits, que c’a esté par vn plus grand secret de la
colere du Ciel, & que tant de merveilleux succez, que nous avons veus,
n’ont esté multipliez que pour vne plus forte preuve de sa reprobation.
Ie ne puis rien adiouster à cela, car il est impossible de trancher
plus court. Seulement ie prie le Lecteur de considerer, que ce
que ce Balaam peut predire en general pour la France, se peut adapter
en particulier pour Mazarin. Dieu a neantmoins donné le
franc-arbitre aux hommes, afin d’obvier aux mauvais augures
que les Oracles leur annoncent tous les iours : si, comme Ninive
à la voix de Ionas, ils s’amendent & sont penitence : mais
quand au lieu de se corriger, l’iniquité les fait perseverer en malice,
ils en voyent tost ou tard, le sinistre evenement.

 

Apres avoir pesé toutes ces considerations avec vn Esprit
mœur, direz-vous desormais que les peuples seront bien-tost
forts, en se ioignans au Prince, pour perdre Mazarin ? Defiez-vous
de trop de presomption, parce que la populace, laquelle
tourne à tout vent, comme vne girouette, se range souuent du
costé qu’elle voit le plus fort, quand ce seroit mesme du tyran
qui l’a ruynee, plutost qu’elle ne se iette du party qu’elle voit le
plus foible, quand ce seroit son bien-faicteur. L’homme sans prudence,
ayme moins les grandes promesses esloignées qu’vn petit
present, parce que les choses futures estans intelligibles, les
presentes au sens ont de la grossiereté, à raison de quoy, il s’attache
fort aux corporelles, d’autant qu’il est sensuel, & peu aux



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