Brousse, Jacques [?] [1649], ADVIS AVX GRANDS DE LA TERRE. Sur le peu d’asseurance qu’ils doiuent auoir en leurs Grandeurs. Dedié aux Conseruateurs de leurs vies. , français, latinRéférence RIM : M0_487. Cote locale : A_2_2.
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leurs pratiques, & bonnes & mauuaises & que par consequent, le succez
que vous auez fait sur les esprits de ces Princes, qui premiers se sont esleuez
à ces sublimes degrez de splendeur, ou tout vn monde vous regarde,
auec soumission ; Venant tout entier d’vn sort capricieux, vous ne deuez
pas vous y asseurer, ny vous y mescognoistre, puisque le sort ne prend
plaisir que dans le changement, & qu’à renuerser par terre, ce qu’il s’est
pleu de desplacer iusques sur le tronc.De suis fortuna muneribus, at quæ
dedit aufert.

 

 


Ce qu’on voit qu’elle esleue, elle l’abbat par terre,
Vne extresme rigeur suyt. tousiours sa bonté,
Elle fait la Paix, & la Guerre,
Et monstre assez estan de verre,
Qu’elle en a le deffaut auec la beauté.

 

Mais outre tout cela, ce seroit tres-mal cognoistre le naturel ordinaire de
ses nouueaux fortunez, & de ses Guoux enrichis, que de vouloir exiger
d’eux de l’égalité d’esprit, & de la moderation dans vne si esclatante prosperité :
ils ne peuuent qu’ils ne s’emportent à des excez d’orgueil, quand
ils se voyent s’éloigner de leur premiere condition, & à des mespris de ce
qui estoit au dessus d’eux le voyant sous leurs pieds :Diuite nouitio nihil
insolentius,& en vont iusqu’a ambitionner les respects des grands de naissance.
Ils se persuadent que puis qu’ils ont les cœurs de leurs Roys, ils
meritent bien aussi les honneurs que l’on leurs rends : Si quelqu’vn leur
dénie, leur vaine gloire leur fait trouuer dans ce refus d’hommage, plus
de matiere de tristesse, qu’ils ne rencontrent de contentement dans leurs
grandeurs. Ils enragent de se voit fauorisez de leurs Roys, & de n’estre
pas considerez d’vn sujet : Le mespris d’vn seul empoisonne toutes les
douceurs qu’ils pourroient gouster dans les sousmissions d’vne infinité
d’autres : Et enfin leur ambition ne sert qu’à les rendre malheureux à
l’heur qu’ils deuroient estre les plus contens, & les plus satisfaits du monde.
Ha! que vous estes insenfez ? Que vous estes ennemis de vous mesmes ?
Quoy! vous semblez auoir peine de souffrir vostre propre felicité ? Que
ne ioüyssez vous paisiblement de ce que le hazard vous a donné ? Pourquoy
pretendre à ce qui sera cause que vous perdrez ce que vous auez
des-ja ? Ne voyez-vous pas que vostre bon-heur vous a fait des enuieux,
qui taschent incessamment de vous perdre ? Ne preuoyez-vous pas, que
si la faueur de vos Princes vous a soustenus contre leurs attaques, vos souhaits
ambitieux & temeraires, qui n’en veulent qu’a leur puissance, feront
ce coup, que n’ont peu faire nos aduersaires. Les honneurs par leurs brillans,
vous ont-ils aueuglé, de peur que vos vissiez. ce qui se trouue contre
vous ? Vous ont-ils hebeté, par les voluptez que vous y prenez, de peur
que vous ne vous apperceussiez pas que vous allez perdant les bonnes
graces du Prince, & que vous ne vous soumissiez pas ? Combien vous en
auez veu, qui ayant acquis par leur courage, par la perte de leur sang



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