Baltasard, Christophle [1645], TRAITTÉ DES VSVRPATIONS DES ROYS D’ESPAGNE, SVR LA COVRONNE DE FRANCE, Depuis le Regne de Charles huictiesme. ENSEMBLE VN DISCOVRS SVR LE COMMENCEMENT, progrez, declin, & démembrement de la Monarchie Françoise, droicts, & pretentions des Roys Tres-Chrestiens sur l’Empire. AVGMENTÉ D’VN SOMMAIRE DES DROICTS de ceste Couronne, sur les Comtez de Bourgongne, Cambray, Haynault, de Genes & Luxembourg. ET LES VICTOIRES ET CONQVESTES DES ROYS LOVIS XIII. dit le IVSTE, & de LOVIS XIV. dit DIEV-DONNÉ, sur les Espagnols, & les Austrichiens, en Italie, Alsace, Flandres, Luxembourg, & Comté de Bourgongne, Catalogne & Roussillon. Par C. BALTASARD. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_1_6.
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& la valeur des François, luy mit la Couronne Imperiale sur la teste,
comme il faisoit ses prieres en l’Eglise Sainct Pierre, pendant que le peuple
accourut de toutes parts pour participer au contentement d’vne
action si celebre, crioit à haute voix, Viue Charles Empereur Auguste, couronné
de Dieu. Ceste action celebre arriua le iour de la Natiuité de Iesus-Christ,
l’an huict cens vn.

 

Aussi tost qu’il se vit si hault esleué, l’excés de ceste nouuelle grandeur
le transporta hors de soy : Et comme l’on dit, qu’Alexandre le Grand,
apres auoir conquis toute l’Asie, bannit de ses affections son propre païs,
& se rendit partisan des Perses : Ainsi Charles mit à part le soing de sa
Couronne, & employa toutes ses forces pour l’agrandissement de l’Empire :
Il commanda, par vn Edict general à ses subiets, d’obeïr aux Loix
des Empereurs Romains, & donna charge aux plus celebres Iurisconsultes
de son temps d’en dresser vn abregé ; Mais comme il vit que son peuple
ne pouuoit digerer ce changement, & mesmes qu’vn Seigneur de sa
Cour luy dist franchement, Qu’il vouloit faire de la France vne Prouince
de l’Empire, Il quitta ce dessein, & laissa viure vn chacun selon ses Loix &
Coustumes anciennes. Ce grand Prince qui auoit adiousté aux conquestes
de ses predecesseurs, l’Italie, la Saxe, la Sclauonie, & grande partie
d’Espagne, qui en vn mot seigneurioit la plus grande partie de l’Europe,
se persuada que la qualité de Roy de France n’estoit pas assez illustre, ny
assez maiestueuse pour conseruer longuement ceste grande puissance, &
contenir en crainte tant de peuples differents en Loix, & en Gouuernemens :
Et ceste consideration luy fit rechercher ce tiltre d’Empereur, souz
lequel toutes les Nations de la terre auoient esté subiettes : Mais certes, s’il
eust meurement consideré l’estat de ses affaires, & le desordre que ceste
fatale Couronne y deuoit apporter, il ne l’eust si ambicieusement recherchee
comme il fit : Car que pouuoit-il, auec ceste grandeur imaginaire,
adiouster à sa puissance, ou au respect que luy rendoient ses subiets, ou à
la crainte que les Estrangers auoient de sa valeur, ou à l’estenduë de la
Monarchie Françoise ? quel plus grand aduantage eust-il peu souhaiter
que de s’asseoir en qualité de Roy de France, au trône des Empereurs, &
commander dans la ville capitale de l’Empire, & de tout le Monde ? Ne
iugeoit-il pas que ceste dignité n’estoit qu’vn ombre sans corps, vne puissance
vague, glissante & difficile à retenir, pour auoir passé des Italiens
aux Grecs, & des Grecs aux François ? Et que tombant en main Estrangere
elle tireroit apres soy les plus belles pieces de la Couronne de France,
comme le premier mobile emporte par sa rapidité la pluspart des
Cieux. Ou bien si l’esclat d’vne telle dignité estoit plus fort que toutes ces



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