Baltasard, Christophle [1645], TRAITTÉ DES VSVRPATIONS DES ROYS D’ESPAGNE, SVR LA COVRONNE DE FRANCE, Depuis le Regne de Charles huictiesme. ENSEMBLE VN DISCOVRS SVR LE COMMENCEMENT, progrez, declin, & démembrement de la Monarchie Françoise, droicts, & pretentions des Roys Tres-Chrestiens sur l’Empire. AVGMENTÉ D’VN SOMMAIRE DES DROICTS de ceste Couronne, sur les Comtez de Bourgongne, Cambray, Haynault, de Genes & Luxembourg. ET LES VICTOIRES ET CONQVESTES DES ROYS LOVIS XIII. dit le IVSTE, & de LOVIS XIV. dit DIEV-DONNÉ, sur les Espagnols, & les Austrichiens, en Italie, Alsace, Flandres, Luxembourg, & Comté de Bourgongne, Catalogne & Roussillon. Par C. BALTASARD. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_1_6.
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pour les grandes priuautez dont ils vsoient enuers leurs femmes, il enuoye
en Sicile vn nommé Iean Prochyte, pour mesnager l’occasion qui
se presentoit. Ce boute-feu de sedition deguisé en Cordelier, s’en alla de
ville en ville, representant au peuple l’insolence des François, les droicts
pretendus de son maistre, le desir qu’il auoit de les deliurer de seruitude, &
le prompt secours qu’il leur donneroit si tost qu’il les verroit disposez à le
receuoir. Auec ces belles paroles il esmeut tellement les Siciliens, assez
changeans de leur naturel, & d’ailleurs, passionnez de jalousie contre les
François, qu’ils se sousleuerent par tout, taillerent en pieces leurs garnisons,
& tuerent en vn soir plus de trente mil hommes ; ce que nos peres
ont appellé les Vespres Siciliennes.

 

Par vn acte si perfide & si barbare, Pierre d’Arragon se rendit maistre
de la Sicile, & s’y maintint malgré les efforts de Charles, & de ses descendans,
qui eurent assez de peine à conseruer le Royaume de Naples. Apres
le deceds de Pierre, Iacques son fils, ayant pris possession du Royaume
d’Arragon, espousa la fille de Charles le Boiteux, fils de Charles premier,
& renonça aux droicts qu’il pouuoit pretendre aux deux Couronnes de
Sicile & de Naples. Mais la fraude Arragonoise parut aussi tost apres ce
traitté : Car comme Charles s’acheminoit en Sicile, Federic frere de Iacques,
par intelligence qu’il auoit auec luy, & les Siciliens, se saisit de toutes
les places, dont Charles s’estant plaint au Pape, Iacques, pour faire
croire qu’il n’auoit point trempe en ceste entreprise, promit à son beau-pere
de l’ayder contre Federic : mais quand il fut sommé d’accomplir sa
promesse il s’en excusa, & donna souz-main secours à son frere : ce qu’il
n’osoit faire ouuertement, plus retenu par le respect & la crainte du Pape,
que par aucune consideration de son honneur. Neantmoins Federic
voyant que Charles assisté des armes Françoises, s’opiniastroit au recouurement
de ce Royaume, & le tenoit serré de toutes parts ; il fait paix auec
luy, luy remettant, & à sa posterité la Sicile, à condition qu’il en iouïroit sa
vie durant ; & toutesfois si tost que Charles l’eut laissé en repos, il pratiqua
l’Empereur Henry VII. qui auec vne puissante armée jointe aux forces
des Siciliens, assaillit au despourueu Robert II. successeur de Charles, &
l’eust despoüillé de ses Estats si la mort ne l’eust preuenu en ce dessein,
Vostre Majesté, SIRE, remarquera (s’il luy plaist) ce traict de fidelité
Espagnole.

Sous Robert II. la Maison d’Anjou fut diuisée en deux branches, celle
de Charles Martel, fils aisné de Charles le Boiteux & Roy d’Hongrie, à
cause de Marie sa femme, fille & heritiere vnique du Roy Estienne, & celle
de Robert, auquel succeda Ieanne yssuë de Charles sans terre, decedé



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