Anonyme [1650 [?]], RELATION DE CE QVI S’EST PASSÉ A L’ARRIVEE DE MADAME LA PRINCESSE DE CONDÉ & de Monsieur le Duc d’Enguien son fils EN LA VILLE DE BORDEAVX. Auec l’Arrest de Messieurs du Parlement de ladite ville sur ce sujet. , françaisRéférence RIM : M0_3111. Cote locale : A_9_20.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 6 --

est sur la riuiere, appellé aux Chartreux.

 

Le Mercredy premier de Iuin dez les six heures du matin
ladite Princesse auec le Duc d’Enguien s’estant renduë au
Palais, s’alla mettre dans la salle de l’Audience, où estant &
tenant le Duc d’Enguien son fils par la main, le visage baigné
de larmes, elle prioit tous Messieurs les Iuges, comme ils passoient,
de luy rendre iustice sur la requeste qu’elle auoit mise
entre les mains d’vn de Messieurs du Parlement, & les supplioit
de luy vouloir donner & à Monsieur d’Enguien seureté
& asseurance de leurs personnes, qu'elle n’auoit peu trouuer
en aucun endroit du Royaume. Le petit Duc d’Enguien les
conjuroit puis que son papa estoit prisonnier de luy seruir de
pere.

Dans ce mesme instant d’Aluimar estoit au Palais, & estant
entré dans la grand’Chambre, mit sur le bureau vne lettre de
cachet qui estoit dattee du 26. May, par laquelle le Cardinal
Mazarin sous le nom du Roy, commandoit au Parlement,
d’empescher que ladite Princesse n’entrast dans Bourdeaux,
& en cas qu’elle y fust arriuee, de l’arrester & de se saisir de sa
personne, & de celle du Duc d’Enguien. Il rendit vne pareille
lettre aux Iurats.

Les Chambres s’estant assemblees enuiron sur les dix heures,
incontinent apres la Princesse tenant le Duc d’Enguien par
la main entra dans la Chambre, & d’abord redoublant ses larmes,
& les sanglots interrompant ses paroles, se ietta à genoux,
& en cette posture demanda à la Cour seureté & asseurance
pour sa personne & celle de son fils. Il n’y eut personne
dans cet auguste Senat qui peust retenir ses larmes,
que la compassion de voir cette grande Princesse & son fils en
c’est estat tiroit auec abondance de leurs yeux : vn chacun accourut
pour la releuer, & en suitte elle fut price de se retirer
dans la salle de l’Audience où quelqu’vn des siens auoit pris
soin de luy faire apporter deux chaises.

Auant que d’opiner sur la lettre portée par d’Aluimar & sur
la requeste presentee par ladite Princesse, il fut deliberé que
on feroit sçauoir à son Altesse que la Cour desiroit qu’elle fist
retirer & sortir hors de Bordeaux tous ceux qui l’y auoient



page précédent(e)

page suivant(e)