Anonyme [1649], L’OMBRE DV GRAND ARMAND CARDINAL DVC DE RICHELIEV, parlante à Iules MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_2593. Cote locale : C_6_41.
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ne deuriez-vous pas preferer la tranquilité publique à vos propres
interests, & vous laisser ployer à ce torrent qui vous emportera
si vous y resistez. Vostre esprit est bien esloigné de la generosité
de ce Cheualier Romain, qui ayma mieux sacrifier sa
vie à sa patrie pour fermer le precipice qui s’estoit ouuert dans
Rome que de la voir affligée d’vn accident qui pouuoit estre finy
par l’engloutissement d’vn simple criminel.

 

Or puis que vous n’estes ny sage, ny fidele, ny affectionne
à la France : ie preuoy que vous serez chassé auec honte, de la
place que i’ay glorieusement occupée, si de vous mesme vous
ne vous éuadez comme ie vous l’ay dit n’aguere. Le meilleur
aduis que ie puisse vous donner, est de vous retirer & au plustost
sans attendre la fureur du Normand. Par ce moyen qui
est le seul qui peut donner la paix à la France, vous la mettrez
en estat d’enuoyer ses forces contre ses autres ennemis ? vostre
retraite auancera ses victoires, & l’on dira que si vous ne les auez
auancées, à tout le moins vous auez tres bien fait pour vostre
seul interest de croire vn sage Politique.

Les veritez que ie vous reproche sont exemples de passion,
comme ce que ie dis de moy se trouuerasans vanité ; & en effet,
les Esprits bien-heureux sont au dessus de ces passions, qui dans
les reproches que l’on vous fait là bas se trouueront bien éloignées
de la moderation auec laquelle ie vous remonstre vos defauts
trop veritables.

Ceux qui persecutent encore auiourd’huy ma memoire, disent
que pour la rendre glorieuse à la posterité ; ie vous choisis
exprés pour mon successeur, afin que vos imperfections releuassent
mes vertus, & qu’elles fissent connoistre à la France
apres ma mort, qu’on m’auoit iniustement hay apres ma mort.
Mais vostre ministere est vn effet de la Prouidence de Dieu,
qui voulant mesme estendre mes récompenses sur la terre, &
punir ceux qui ont insulté sur ma reputation, a permis que vostre
brigandage, vostre l’ascheté, vostre tyrannie & vos trahisons,
soient auiourd’huy les verges qui les chastient, aussi bien
que les peuples de leurs pechez. Or comme il n’appartient
qu’a sa Diuinité de tirer de bons effects d’vne mauuaise cause,



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