Anonyme [1649], L’OMBRE DV GRAND ARMAND CARDINAL DVC DE RICHELIEV, PARLANTE A IVLES MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_2593. Cote locale : B_13_17.
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verité que ie dis, & qui sera tousiours la plus forte, vous conuainct
de trahison à la France, ou bien elle vous doit faire chasser du
Ministere comme negligent & incapable. Car puis que ce Seigneur,
enuoyé par les Grands du Royaume, venoit reprendre la
trace qu'il auoit commencée auec moy, & puis qu'il s’offroit de
vous faire voir clairement que N. payoit les pensions d’Espagne,
pourquoy ne parliez-vous pas de cette affaire au Conseil,
ou aux Princes, qui n’en ont iamais rien sceu ? Et pour quelle raison
n’esclaircissiez vous pas cet aduertissement ? Les propositions
estant auantageuses, ne faloit-il pas y entendre, & l’aduis
estant important, ne faloit-il pas du moins en approfondir la verité ?
Vous n’auiez garde de choquer le Roy d’Espagne, & vous
ne pouuiez pas vous resoudre de mettre ésmains de la Iustice celuy
qui estoit complice de vostre peculat, & qui a transporté en
Italie tant de millions, en si belles especes d’or, qui par mes soins
ont esté si bien reformées.

 

I’adiouste à cela que la trahison faite à Naples sur la personne
du Duc de Guise, est vn ouurage de vostre esprit, & que le traistre
ayant appellé peur garant vne personne qui receuoit vos ordres
en Italie, n’a-t’il pas confirmé par ce moyen cette mal-heureuse verité ?

Auez vous iamais veu que i’aye refusé de parler à tous ceux qui
desiroient m’entretenir des affaires d’Estat, voire mesme des
affaires priuées ? Ie suis certain que ie ne refusay iamais d’audience
à qui me l’a demandée. Les propositions, impertinentes
mesmes, m’ont donné quelquefois suiet de m’égayer : mais
ie n’ay iamais esté inciuil à ce point d’en prendre auantage en
la presence de ceux qui se rendoient ridicules. Ie puis dire que
cette facilité a souuent rencontré des aduis d’importance dans
la bouche de personnes qui connoissans vostre impertinente
grauité, vous considerent comme vn ambitieux ignorant,
grand fourbe, & incapable de la place où vous estes mis. Il faut
qu’vn Ministre d’Estat soit courtois, affable, liberal, humble,
& homme de vertu & de foy. Tout le contraire de ces qualitez
que i’ay possedées, & qui m’ont acquis apres ma mort
l’estime que la calomnie enuieuse m’auoit voulu rauir durant
ma vie, est proprement le racourcy de vostre inclination, qui



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