Anonyme [1652], L’OMBRE DV FEV PRINCE DE CONDÉ, APPARVE A MONSIEVR LE PRINCE SON FILS, Depuis sa sortie de Paris. , françaisRéférence RIM : M0_2592. Cote locale : B_6_23.
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Vous demandez, dites vous, la paix generale, mais qui estes
vous pour cela & dequoy vous meslez vous : vous estes vn
subjet du Roy comme vn autre, vn particulier qui n’auez
que fort peu ou point d’interest à cela, & quand vous y en
auriez dauantage, vous deuez attendre cette paix des soins
de vostre Souuerain & des desseins de vostre Roy, non pas
comme vous dites pour tromper les peuples, les vouloir
forcer a y trauailler & à la faire mesme desauantageuse à sa
Couronne puis que vous voulez qu’il la fasse absolument
ou ne point desarmer. Croyez moy, mon fils, prenez d’autres
sentimens, n’acheuez point d’attirer sur vous la haine
de tout vn Royaume, l’indignation de tout vn peuple auec
lequel il vous faut viure & mourir, si vous ne voulez acheuer
le reste de vostre vie dans vn païs Estranger, comme
de la Cour de vostre Roy, de l’agreable sejour de vostre
patrie, & de la conuersation charmante de tant de personnes
de condition qui vous honorent.

Sans mantir, n’auez vous point eu de peine ny mesme de
honte, d’entendre les progrez des Ennemis de vostre
Royaume durant ces desordres, ces Villes prises autrefois
par vostre conduite auec tant de sang respandu & tant de
biens consommez, reprises maintenant sans coup ferir par
vostre diuision, i’ay presque dit par vostre adueu, puisque
vous y auez consenty. Dunkerque auoit elle si peu de
charmes pour vous, & la gloire de vostre Couronne & de
vostre patrie, vous a t’elle touche si peu que vous ayez veu
cette perte sans ressentiment ?

Mais laissons là tout le passé qui ne vous a produit que
de la honte chez les Estrangers & de la haine chez les vôtres,
pour penser solidement à mesnager vostre paix particuliere
auec vn si grand Roy & si bon Souuerain. Si vous
employez son Altesse Royale pour gagner en vostre faueur
l’esprit de sa Majesté, vous receurez plus d’honneur, de
contentement & de joye, en vous soumettant à ses Royalles
volontez, que vous ne ferez dans aucune issuë que
puissent auoir vos mal heureux desseins.

Si vous ne m’auez pas creu en mourant, croyez moy
viuant dans l’Eternité, où nous auons les iustes sentimens
de toutes choses. Ainsi dit, & disparut.

FIN.



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