Anonyme [1652], L’OFFICIER DE CE TEMPS DE LA MAISON ROYALE, Voyageant par la France pendant le temps present ; qui apprend les miseres & desordres qui se sont commis & commettent dans les Prouinces, Seigneuries & Terres du Royaume, causes d’icelles ; Dont il auroit escrit vne Tres humble Remonstrance faite au Roy, luy declarant les moyens d’y pouruoir à la gloire de Dieu, & le repos de son Estat, sur les mauuais conseils à luy donnez par ses plus proches. , françaisRéférence RIM : M0_2585. Cote locale : B_3_25.
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doucement & en pere, comme vous deuez faire,
SIRE. Le nom de Roy est vn nom d’amour, & les
Rois, en France principalement, ont tousiours esté
estimez comme peres, & par amour & reuerence,
respectez & honnorez comme peres, & vrais maistres
des cœurs de leurs sujets qui est vne plus grande Seigneurie,
que celle qui est seulement sur les corps &
sur les richesses : Car qui a le cœur d’vn homme à sa
deuotion, il peut faire estat de ses richesses & moyens,
& le sujet, qui auec raison & par la vertu ayme son
Prince n’espargne iamais sa vie & ses biens pour sa
deffence.

 

Homere dit que les bons Rois sont peres des peuples,
& les appelle pasteurs des peuples. Dion Chrisostomus
compare les bons Rois au bœuf, & les
mauuais au Lion : le bœuf, dit-il, est vn animal de
profit, & n’a rien sur luy : iusques à la corne de ses
pieds, qui ne soit vtile. Vn bon Roy est de mesme
vers ses sujets, & comme dit Aristote, il rapporte
toutes ses actions à l’vtilité publique : Mais le mauuais
rapporte tout à son profit, & n’a rien de bon en
luy non plus que le Lyon, lequel n’a que des dens
pour deuorer, & des griffés pour deschrirer.

Donc, pour reprendre mon premier discours, il
faut, SIRE, que vous soyez liberal, & nullement
prodigue. Et euitant prodigalite, gardez-vous d’estre
aussi auaricieux, & pour auoir des deniers à vostre
appetit & volonté, ne foulez iamais vos sujets : En ce
faisant ils vous aimeront & seruiront fidelement,
vous serez en grand repos, vous reluirez en grandeur
& prosperité, & au lieu de maledictions, vous
n’aurez que prieres & benedictions, vous n’entendrez
par les ruës & places publiques, que des acclamations
d’honneur, vous serez par ce moyen inuincible,
en terreur à vos ennemis, en plaisir & contentement
à vos amis & alliez, & serez à bon escient



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