Anonyme [1651], DISCOVRS DES-INTERESSÉ, SVR CE QVI S’EST PASSE de plus considerable depuis la liberté de Messieurs les Princes iusqu’à present. , françaisRéférence RIM : M1_99. Cote locale : B_7_53.
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Il faut demeurer d’accord que toutes les apparences sont contre
monsieur le Prince, & que ceux qui ne iugent des choses de ce
monde, que parce qu’ils en voyent, ont quelque sujet de soupçonner
& sa reconnoissance & sa generosité.

Les grands seruices que monsieur le premier President a rendus
à l’Estat cette fermeté d’ame auec laquelle il a soustenu la dignité
de sa charge & reparé tant de fois le defaut du Ministere, ces
genereuses oppositions qu’il a si souuent formées, & à la violence
du Ministre, & aux ressentimens precipitez de ceux, qui pour secoüer
le ioug de la tyrannie, se fussent, peut-estre, laisses trop emporter
à leur passion, ce temperament par lequel il a si prudemment
moderé les mouuemens de la Cour, & ceux de sa compagnie,
enfin ces qualitez sublimes, par lesquelles il efface l’esclat de
ceux qui auoient occupé deuant luy la place qu’il remplit, auec
tant d’honneur & de gloire, sont dignes de toutes les recompenses
dont vn Roy puisse reconnoistre, & la suffisance, & la fidelité
d’vn bon sujet.

Il n’estoit pas iuste que la vertu de monsieur de Chauigny demeurast
plus long-temps oisiue dans la solitude, & que semblable
à ces Diamans qui sont renfermés dans l’obscurité, il ne reflechit
ses lumieres que sur luy mesme, il estoit iuste que cette vaste connoissance
qu’il a de nos affaires, & de celles des Estrangers, vint au
secours de l’authorité Royale, affoiblie par les necessitez publiques,
& par les mauuais conseils de celuy à qui son merite auoit
donné de la ialousie.

Il estoit raisonnable que pour fortifier le Conseil du Roy, on
rappellat monsieur le Chancelier, qu’vne foiblesse & lasche complaisance
du Cardinal Mazarin auoit iniustement esloigné Mais
il est mal-aysé de croire que monsieur Seruient, qui negocioit
toutes ces mutations sans la participation de monsieur le Duc
d’Orleans, & qui preuoyoit bien qu’elles luy attireroient auec iustice
son indignation, n’en eut au moins communiqué quelque
chose à monsieur le Prince, aux interests duquel elles paroissoient
si auentageuses, a fin de trouuer quelque appuy contre la colere
de son Altesse Royalle.

Cependant si l’on veut considerer de plus prés toutes les circonstances
& les suittes de ces changemens inopinés, il ne sera
peut-estre pas difficile de iustifier Monsieur le Prince, & de faire



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