Anonyme [1649], L’ESTAT DEPLORABLE DES FEMMES D’AMOVR DE PARIS, LA HARANGVE DE LEVR AMBASSADEVR ENVOYÉ AV CARDINAL MAZARIN, & son succes. , françaisRéférence RIM : M0_1293. Cote locale : A_3_51.
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(& quoy qu’il auoit esté Roy, qu’il m’auoit promis de me faire
Reyne) qu’il ne me donneroit aucun gage de son affection.

 

Ie luy dis a dieu auec des larmes, sa bonne mine, sa haute
naissance & sa bonne chere m’auoient émû, & s’il m’eust dõné
dequoy subsister aujourd’huy ie n’aurois pas a me plaindre. Ie
me couchay & passay la nuit auec assés de quietude : mon humeur
n’est pas de m’atacher par trop au plaisir : son absence ne
me causa point de soupirs & si mon ami ne m’eust éueillée dãs
la liberté qu’il auoit d’entrer en ma chambre, ie pourrois encores
estre endormie, les premieres paroles que i’entendis de
luy a mon reueil, tout est perdu, le Roy a esté enleué, ie m’enquis
si quelques vns que ie connessois estoient sortis auec luy,
il me respondit qu’ouy des l’heure mesme ie ne d’outay point
de ma perte ie m’habille, ie dõne auis de ces nouuelles a quelques
personnes de ma connessance ie les treuuay plus surprises
que moy, i’estois sans argent & elles aussi, nous attendions
quelqu’vn dans vn si grand iour de ioye, personne ne nous vint
visiter. Il falut recourre a ce que nous pouuions auoir de hardes
nous les mîmes en gage pour auoir de l’argent dequoy auoir du
pain. Nous auons vescu iusques a present sans que nos fonds
s’il y en a nous ayent produits aucunes rentes, & n’ayant plus
dequoy toutes nous nous sommes assemblés, nous auons scû la
cause de nostre mal & auons projeté le dessein d’y remedier.

A peine cette resolution estoit formée qu’vn nõmé Bertrand
homme de confidence dans tous nos plaisirs entre au lieu ou
nous estions, il se plaignit de mesme nous fut animé par nos
resolutions & sçachant que nous voulions rompre le cours a la
necessité que pour ce il faloit supplier le CARDINAL MAZARIN,
tãt pour son interest que pour le nostre il s’offrit d’aller à sainct
Germain exposer nos pensées au Cardinal, & le supplier de
mettre fin à nos miseres.

Chacune contribua de ce qu’elle pût à ce voyage vne des
plus illustres luy fit donner vn passe-port, en sorte qu’vn peu
connû de ceux qui estoient au corps de garde, & ayant seruy
autrefois a celuy qui estoit Capitaine de cartier & en faction
sur les deux heures apres midy le iour de Vendredy abouché



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