Anonyme [1649], L’ENTRETIEN SECRET DE MESSIEVRS DE LA COVR DES. GERMAIN, AVEC MESSIEVRS DE LA COVR DE PARLEMENT DE PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_1244. Cote locale : C_7_72.
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des hommes qui regissent les Estats, qui ne peuuent estre fondez
que sur la Iustice ?

 

Si vous auez, Messieurs, fait reflexion sur toutes ces veritez,
comme il n’est pas permis de croite que vous puissiez ignorer
ce que les autres sçauent : Si vous les auez donc sceuës, comment
auez vous permis, ou toleré, ou dissimulé les desordres
de la France, les iniustices, les impietez, les larcins
publics, les blasphemes, l’oppression des peuples ? Comment
n’auez vous point eu pitié de la Vefue & de l’Orphelin, & de
tant de pauures gens de Campagne, dont la condition estoit
deuenuë pire que celle des bestes ? Car du moins quand le
bœuf & le cheual trauaillent, on a soin de les nourrir, on nourrist
mesme les chiens qui ne trauaillent point. Mais les hommes
ont esté cõtraints à trauailler plus que les bestes, & ils ont
manqué de la nourriture qu’on donne aux bestes. Il y en a qui
ont pery faute d’auoir de l’herbe & du gland. Comment auez-vous
permis que les crimes dont l’horreur n’a point de nom,
soient deuenus le diuertissement des François ? Comment
auez-vous permis que le desbordement de la police soit venu
iusqu’à ce poinct, que les hommes ayent passé pour fous, &
pour ridicules, quand ils ont voulu agir par les maximes des
loix & de la conscience ? que toute la Iustice ait esté dans la
force ? & que les foibles n’ayent pûauoir d’autre refuge, que
Dieu, ou le desespoir ? Comment auez-vous souffert, que nos
gẽs de guerre ayent volé, violé, pillé, sous pretexte de mãquer
de solde, puis qu’on leuoit iusqu’à la derniere goutte du sang
du Peuple pour les payer ? Comment auez-vous permis qu’ils
ayent ruiné les Eglises, abbatu les Autels, brisé les Images,
forcé les Religieuses, massacré les Prestres, foulé le Sainct- Sacrement
aux pieds, & fait ce que les Huns & les Vvandales
n’auroient pas voulu faire ? Commẽt auez-vous souffert qu’on
ait enuoyé des Fuzeliers dans les Bourgades & les Villages,
pour faire vne guerre aussi cruelle aux François, au milieu du
Royaume, qu’on la pouuoit faire aux ennemis, au de hors ? Cõment
auez-vous permis que toute la France ait esté la proye
d’vn Partisan ? & que soubs le nom d’vn Roy tres-Chrestiẽ, &
tres-debõnaire, on ait fait ce qu’on n’oseroit auoir attẽté chez
le Turc ? Comment n’auez-vous point eu pitié de tant de souspirs
& de sanglots, qui retentissoient au milieu & aux quatre



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