Anonyme [1649], L’ENTRETIEN SECRET DE MESSIEVRS DE LA COVR DE S. GERMAIN, AVEC MESSIEVRS DE LA COVR DE PARLEMENT DE PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_1244. Cote locale : A_3_28.
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faut reconnoistre, si nous voulons estre raisonnable,
que la France a prouoqué sa cholere sur nous, par vne quantité
infinie de desordres, qui y regnent impunément depuis longtemps,
& qui y regneront tousiours à l’aduenir, si vous ne les exterminez.
Ouy, Messieurs, nous auons comblé la mesure de
nos iniquitez, & la Iustice du Ciel, qui ne peut s’endormir sur les
crimes, se resueille pour nous punir. Car autrement quelle apparence
que la plus pieuse Princesse du monde, eust esté inexorable
à la voix de tant de souspirs & de sanglots ? Comment auroit-elle
peu ou approuuer ou souffrir le dessein de reduire la
Ville de Paris à la desolation d’vn Siege ? Comment auroit-elle
peu reietter les Prieres des Temples & des Autels, des Cloistres,
des Vierges, des Hospitaux, de tant d’innocens qui ont
sollicité sa misericorde, sans la pouuoir fléchir ? Comment auroit-elle
abandonné à l’insolence du Soldat, tant d’ames, qui ne
souhaittoient leur conseruation, que pour prier Dieu pour la
sienne ? Comment n’auroit-elle point consideré qu’elle ne pouuoit
ruiner Paris, sans ruiner le Royaume ? & qu’elle ne pouuoit
ruiner l’vn & l’autre, sans briser le Sceptre & la Couronne de
son fils ? Comment est-ce qu’elle auroit hazardé à vne guerre
Ciuile, tant de pauures sujets, qui se traisnent sous ses pieds,
pour protester qu’ils n’ont iamais peché, ny voulu pecher contre
l’authorité Royale ? Comment n’auroit-elle point apprehendé
les clameurs du sang de tant de Peuples, qui ne pouuoit manquer
de crier vengeance sur elle, si elle-mesme les vouloit sacrifier
à la vengeance ? Comment ce naturel si doux & si debonnaire,
est-il deuenu si seuere, & si implacable ? Comment auroit-elle
esté si constante à preferer la conseruation d’vn Estranger,
à celle de tout son Royaume ? & d’vn Estranger coupable de
tous les mal-heurs du Royaume ? Comment n’auroit-elle point
redouté les iugemens de Dieu, qui menacent si rigoureusement
les Potentats qui estouffent en leur cœur les sentimens de
la clemence & de la pitié ? Comment vne Reyne tres-Chrestienne
de nom & d’effet, ne se seroit-elle point souuenuë des
exemples de la bonté de Iesus-Christ, pour pardonner quand
on l’auroit offensée ; & pour pardonner lors qu’elle en est coniurée
par tant de motifs du Ciel & de la terre ; Et lors que l’execution
de la vengeance luy pouuoit estre aussi fatale à elle-mesme,
qu’à ceux de qui elle pretendroit se vanger ?

 



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