Anonyme [1649], L’ENTRETIEN SECRET DE MESSIEVRS DE LA COVR DE S. GERMAIN, AVEC MESSIEVRS DE LA COVR DE PARLEMENT DE PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_1244. Cote locale : A_3_28.
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qu’il estoit le Maistre, qu’il prenoit tout ce qu’il pouuoit toucher,
comme s’il eust esté sien : Qu’il a conserué & augmenté le
nombre des Partisans & gens d’affaires, qui estoient les sangsuës
qui luy facilitoient des moyens pour auoir de l’argent comptant :
Qu’il a leué plus de quatre-vingts millions de liures par an :
Qu’il nous a engagé de cent cinquante, & qu’on ne trouue presque
plus d’or ny de bonne monnoye en France.

 

Vous vous plaignez qu’il a voulu tirer les subiects du Roy de
sa dependance, pour les mettre en la sienne, ou de leur consentement,
ou par force : Qu’il a fait des violences exorbitantes
pour destruire les vns, & pour intimider les autres, par vn grand
nombre de proscriptions, d’emprisonnemens, & autres mauuais
traitemens, plus ou moins inhumains, selon que la resistance à sa
tyrannie, luy estoit plus ou moins nuisible ou odieuse. Vous
vous plaignez qu’il a tasché par toute sorte d’artifices & de violences,
d’abbatre la Compagnie du Parlement : Parce qu’en effect
c’est le plus fort rempart pour deffendre l’autorité Royale,
& le plus redoutable aduersaire de ceux qui la veulent vsurper.
Tout cela est tres-vray, Messieurs, & peut-estre que le mal est
encor plus grand que vous ne le figurez.

Mais qui ne voit qu’on peut repliquer, que ce Ministre n’a
eu pouuoir de faire tous ces maux que par l’autorité que vous
luy auez donnée, ou que vous auez approuuée, ou du moins que
vous auez tolerée ? Toute la France gemissoit sous le ioug de sa
cruauté : Tous les Peuples reclamoient vostre secours contre ses
vexations : Et cependant vostre condescendance ou complaisance
l’ont laissé monter à ce degré de puissance, que vous sentez
maintenant auec les autres, par vn iuste iugement de dieu.
Et nous n’osons dire, Messieurs, que peut-estre s’il n’auoit point
esté assez imprudent & temeraire pour vous le faire sentir, Nous
ne sçauons si vous eussiez esté assez genereux, pour entreprendre
contre luy la conseruation du Roy & de l’Estat.

Nous appellons toute cette conduitte vn coup de la Iustice
de Dieu, en son progrez & en sa fin, aussi bien qu’en son commencement.
La France estoit assez criminelle deuant Dieu, en
toutes ses parties, pour meriter vn chastiment en tous les Ordres
qui la composent : Il failloit vn instrument de cette Iustice,
qui appliquast la peine condigne à nos fautes. Dieu s’est voulu
seruir du Cardinal Mazarin, comme il s’est seruy autresfois des



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