Anonyme [1649], L’ENTRETIEN FAMILIER DV ROY, ET DE LA REINE Regente sa Mere, sur les affaires du temps. , françaisRéférence RIM : M0_1242. Cote locale : C_7_70.
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contenter m. le C. Mazarin.

 

Le Roy. ma bonne maman, pourquoy avez-vous choisi M.
le Grand-maistre pour le faire Sur Intendant, n’est il pas
assez riche ?

La Reyne. mon Fils, c’est vn homme comme il nous faut,
il est des parens de m. le C. de Richelieu, il ne payera personne,
il est fort & vaillant, voyez combien il en tua aux Barricades
de Paris !

Le Roy. ma bonne maman, qu’avez-vous fait de 500. millions,
que vous avez receus depuis que mon Papa est mort ?

La Reyne. mon Fils, ils ont esté distribuez par l’ordre dem.
le C. Mazarin, qui les a mis à couvert.

Le Roy. ma bonne maman, pourquoy puisque vous avez
receu tant d’argent, n’a t’on pas payé les gages de mes Officiers,
& de mes soldats, depuis trois ans ?

La Reyne. Mon Fils, m le C. Mazarin, garde tout pour notre
necessité, & pour marier ses Nieces, comme a fait m. le
Cardinal de Richelieu.

Le Roy. ma bonne maman, dites-moy donc de quelle naissance
est m. le C. Mazarin, pour marier ses Nieces à des
Princes du Sang de France ?

La Reyne. mon Fils, vous m’importunez, car ie sçay bien,
que m. le C. Mazarin est fils d’vn banqueroutier de Rome, a
esté laquay, postillon de courier, grand ioüeur & pipeur,
mais tout cela n’empesche pas que ie ne l’aime, & qu’il ne
marie ses Nieces à qui il voudra, ayant tout le bien de la
France, & mon amitié.

Le Roy. Ma bonne maman, pourquoy n’avez vous pas voulu
parler à mon Advocat, & mon Procureur General du Parlement
de Paris, quand ils sont venus icy ?

La Reyne, Mon Fils, ç’a esté M. le C. Mazarin, & M. le
Prince de Condé, qui m’ont dit, que puisqu’il faloit affamer
la Ville de Paris, il ne leur faloit parler.

Le Roy, Ma bonne maman, dites moy, puis que vous voulez
affamer ma bonne ville de Paris, que deuiendront tant de
bons Religieux & Religieuses qui ne viuent que d’aumosmes,
les petits enfans à la mamelle, les pauures dans les hospitaux,



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