Anonyme [1649], L’ENTRETIEN FAMILIER DV ROY, AVEC MONSIEVR LE DVC D’ANIOV SON FRERE, à sainct Germain en Laye. Fidelement recueilly par vn des Officiers de sa Majesté. , françaisRéférence RIM : M0_1241. Cote locale : A_3_52.
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calomnie ; que le dessein du Cardinal Mazarin n’a esté que de sortir
de Paris pour se venger de ses habitans, en bloquer les auenües, &
destruire par la famine cette grande Ville ; qu’au reste le Parlement n’a
que de bonnes intentions pour mon seruice ; que tout le Peuple me desire,
& que l’on n’en veut qu’à Mazarin, comme à celuy qui leur ayant
vollé tous leurs biens, & enleué leur Roy, veut encore rauir leur vie, &
se venger d’eux aux dépens de tout le Royaume. Ie ne m’estonne pas
beaucoup que le Cardinal ait conceu ces desseins violens, & qu’il médite
la perte d’vn Estat qu’il luy faut abandonner ; mais ie ne puis assez
admirer qu’il soit suiuy, & mesme poussé, s’il le faut dire ainsi, à cette
vengeance par des Princes qui ont plus de sujet de le perdre que de le
conseruer, ayant jusques icy occupé leur place dans le gouuernement de
l’Estat, & leur ayant donne des ordres qu’il deuoit receuoir d’eux-mesmes ;
& pour dire en vn mot, qui les a voulu perdre tant de fois, & qui
les veut encore faire perir dans cette occasion, en les exposant à la haine
du Peuple qui souffre leurs hostilitez.

 

Pour Monsieur le Duc d’Orleans mon Oncle, (interrompit le Duc
d’Anjou) i’ay bien reconnu à quelques discours de ma tante la Duchesse
& de Madamoiselle ma cousine, qu’il est sorty malgré luy de Paris, &
qu’il voudroit y estre presentement.

Ie ne puis pas conceuoir (continüe le Roy) qui peut l’auoir forcé dans
vne action qu’il jugeoit injuste & déraisonnable, puis qu’il auoit le pouuoir
de l’empescher, & qu’il y estoit obligé : Pour moy j’auoüe que tout
ce procedé me choque extremement, & que ie ne puis souffrir la violence
que l’on veut exercer contre la ville de Paris, qui est la capitale de
mon Royaume, & celle qui a tousiours témoigné plus de zele & d’affection
pour son Roy. C’est bien mal reconnoistre l’allegresse qu’elle témoigna,
comme i’ay sçeu, à ma naissance ; & c’est bien tromper l’esperance
qu’elle auoit conceüe de moy, que de la vouloir perdre entierement,
pour s’estre opposee à la ruine entiere de l’Estat, & pour l’auoir
voulu deliurer de son Tyran, ie nomme ainsi le Cardinal Mazarin, car
ie sçay qu’il en a fait toutes les actions, qu’il a quelque intelligence auec
les Ennemis de l’Estat, qu’il a procuré beaucoup d’auantages à l’Espagne,
& qu’il en a fait perdre de notables à la France ; & qu’enfin pour se
rendre considerable en Italie, où il a dessein de retourner, il y a fait porter
presque tout l’argent du Royaume qu’il a tiré du Peuple par des exactions
injustes & violentes. Ces crimes estans veritables, & connus de
tous les Princes, pourquoy refusent ils de le remettre entre les mains du
Parlement pour luy faire son procez ? N’y a t’il pas apparence de croire
qu’ils participent à ses injustes desseins, puis qu’ils en veulent empescher



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