Anonyme [1649], L’ENFER, LE PVRGATOIRE, ET LE PARADIS temporel de la France. , françaisRéférence RIM : M0_1217. Cote locale : A_3_40.
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ces ambitieux Ministres : Representez-vous le Vice triomphant
de la Vertu, & dans la possession des Charges & des
hautes fortunes ; des gens de neant viure en Princes, & les
Princes contraints de leur faire la cour. Mettez-vous deuant
les yeux le carnage de tant de sieges & de tant de batailles,
les Villes desertes, les familles priuées d’heritiers,
les campagnes rauagées, & des villages entiers ramassans
les mietes de ces mauuais Riches. Imaginez-vous voir vn
Intendant de Iustice entrer dans vne Prouince, accompagné
d’vne legion de satellites, qui mettent l’horreur & le
desespoir dans le cœur des pauures villageois, l’vn prend
la fuite, l’autre est battu, & l’autre emprisonné ; les femmes
& les enfans remplissent l’air de cris, on leur enleue
iusques à la chemise, & la seule mort est capable de remedier
à leurs maux ; representez-vous des Regiments des
Gardes, & des fourmilieres d’autres filous, qu’on ne paye
pas exprés, afin que le Bourgeois soit matté, & viue dans
vne crainte perpetuelle ; N’en auez vous iamais eu vne
demy-douzaine sur vous, le poignard sur la gorge, vous
oster la bourse & le manteau ? auez-vous veu quelque
nuict se passer sans deux ou trois hommes tuez ? & le plein
midy mesme tesmoin de ces meurtres & de ces brigandages.
Il suffisoit auoir la liurée de Monsieur tel, pour sauuer
vn homme du gibet, en despit de la Iustice, pour ruer
impunément vn honneste homme de coups de bastons,
pour en tuer vn autre, & pour jetter des meubles sur le
carreau ? Et pour tout dire en vn mot, a-t’on iamais veu
vne Nation si laborieuse pauure en vn tel poinct ? vn peuple
si obeïssant, tellement gourmandé ? vn peuple si vaillant,
tellement opprimé ? vn peuple si franc & si bon,


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