Anonyme [1649], L’ENFER REVOLTÉ, SVR L’ESTRANGE DESORDRE qui y est arriué depuis peu, par les Tyrans & les Fauoris des premiers Siecles. OV PAR VNE MERVEILLEVSE application, toute l’Histoire du temps present se trouue parfaitement bien representée. , françaisRéférence RIM : M0_1218. Cote locale : A_3_53.
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Il n’eut pas si tost acheué sa plainte, qu’on vit venir
Ampronisius fauory d’Adrian, ennemy mortel des
Chrestiens, Rufus fauory de Domitian, le plus impie de
tous les Souuerains ; Cincinat fauory de Britilius Empereur ;
Py[1 lettre ill.]ene fauory de Commodus, Prince tres infame ;
Faustus fauory de Pyrrhus Roy des Epi[1 lettre ill.]otes, & plusieurs
autres, dont le denombrement seroit trop long à
faire ; qui tous ensemble commencerent à crier iustice,
iustice, Illustre Prince des tenebres. Lucifer tout surpris
de ce nouueau desordre, tourne visage du costé de
cette multitude, en leur disant ; Que le plus entendu en
vos affaires parle seul, & me fasse entendre le subjet de
vostre disgrace. Mais comme l’vn d’eux voulut commencer
de plaider leur cause, les Souuerains qui les suiuoient
de bien prez, sur l’aduis qu’on leur auoit donné de la
surprise qu’on leur vouloit faire, se ietterent sur eux
pour les traitter selon leur merite. Et certes le desordre
eust esté fort grand, si Lucifer ne leur eust imposé silence,
& commandé par mesme moyen, de remettre leur
cause à la premiere audiance. Ainsi chacun eut ordre de
se retirer en son appartement, & comme ils s’en alloient
on entendit vn grand nombre de gemissemens effroyables,
qui se plaignoient de la tyrannie des Princes. Cette
confusion de regrets, ne fut pas si tost appaisée qu’on
oüyt d’vn autre costé, comme vne espece de voix celeste
qui leur disoit ; Pourquoy souffrez-vous que les meschans
oppriment les gens de bien ; pourquoy refusez-vous
de rendre la Iustice aux vns & aux autres. Admirez
vn peu de quels Ministres Dieu se sert pour vanger les outrages
que vous faites, ou à ses subjets, ou à sa personne.
Les vermisseaux, les mouches, & les poux, sont les
redoutables executeurs de son eternelle Iustice.

A peine eut-elle acheué ces dernieres paroles qu’on
fut encore en peine de sçauoir d’où venoit vn autre grand
bruit, qui estourdissoit toute la compagnie. Et comme
on eut marché vn peu plus auant, on vid que c’estoit vne
troupe de Tyrans & de Legislateurs qui se battoient ensemble.
Tout beau, tout beau, dit alors Monsieur le



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