Anonyme [1649], L’ENFER REVOLTÉ, SVR L’ESTRANGE DESORDRE qui y est arriué depuis peu, par les Tyrans & les Fauoris des premieres Siecles. OV PAR VNE MERVEILLEVSE application, toute l’Histoire du temps present se trouue parfaitement bien representée. , françaisRéférence RIM : M0_1218. Cote locale : C_7_67.
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Philosophe Stoïcien, autrement nommé Lucius Anneus,
fils d’vn Gentilhomme de la ville de Cordoüe en Espagne,
doüé d’vne prodigieuse memoire. Estant encore
fort ieune, ie fus mené à Rome, du temps de l’Empereur
Auguste, là où ie fus en grand credit par mon eloquence :
mais du depuis soupçonné d’adultere auec Iulia fille
de Germanicus, que l’on estime estre Agripine mere de
Neron, ie fus enuoyé en exil. En suitte ie fus r’appellé par
les menées de cette Agripine, & fait Gouuerneur & Fauory
de son fils, qui me donna iusqu’à sept millions cinq
cens mille escus, en reconnoissance des bons seruices,
que i’auois rendus, & à l’vn, & à l’autre. Neantmoins, ny
les biens qu’il m’auoit faits, pour auoir de moy vne flatteuse
approbation de ses cruautez, & de ses tyrannies, ny
les rigueurs qu’il exerçoit continuellement à l’endroit
des esprits plus innocens, & des ames moins criminelles,
ne me sceurent iamais destourner de l’exhorter tousiours
à la vertu, & de le reprendre bien aigrement lors qu’il se
portoit à des actions indignes d’vn si grand Prince. A
quoy i’estois obligé, autant pour satisfaire à ma propre
conscience, qu’aux graces que i’en auois receuës : & plus
il s’adonnoit aux lubricitez, & aux homicides, plus ie
m’opiniastrois à luy representer le tort qu’il faisoit à son
honneur & à son bien, à son salut, & à sa gloire. En fin,
nonobstant les incroyables soins que ie me donnois pour
le contraindre à suiure la vertu, pour laquelle il sembloit
auoir des aduersions tres-prodigieuses ; ce Prince ne
laissa pas de faire mourit sa femme Octauia, quoy que ce
fust vne Dame tres-verrueuse, d’oster la vie à sa propre
mere, d’exterminer tous les gens de bien, de faire mettre
le feu par toute la ville de Rome, d’exciter vne furieuse
persecution contre les Chrestiens, de faire fendre vn
ieune enfant nommé Sporus, pour en iouïr comme d’vne
femme, & de priuer du iour son neueu Lucain ; parce
qu’il estoit meilleur Poete que luy, & parce qu’il ne vouloit
pas flatter ses crimes. Et pour me payer apres cela
de la mesme monnoye qu’il payoit les autres, il m’ordonna
de choisir tel genre de mort que ie voudrois, afin


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