Anonyme [1649], L’ENFER REVOLTÉ, SVR L’ESTRANGE DESORDRE qui y est arriué depuis peu, par les Tyrans & les Fauoris des premieres Siecles. OV PAR VNE MERVEILLEVSE application, toute l’Histoire du temps present se trouue parfaitement bien representée. , françaisRéférence RIM : M0_1218. Cote locale : C_7_67.
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de Philippe de Macedoine son pere, qui estoit ce
me semble, ternir l’éclat & la generosité d’vn Prince qui
luy auoit donné l’estre, & qui auoit apporté tant de soin
à son education ; ie luy voulus remonstrer son ingratitude,
& pareillement aussi le desabuser de cette Diuinité
imaginaire, dont ses adulateurs le pipoient. Luy meude
colere, & surpris de vin, se leua de table, & me donna
d’vne iaueline tout à trauers du corps, me couchant
tout roide mort sur la place. Voyez apres cela, de grace,
si ce n’est pas bien recompenser les seruices que ie luy ay
rendus, de me traitter auec vne tyrannie, qui n’en cut iamais
de pareille. Du depuis l’ayant rencontré icy, ie luy
ay demandé, si son pere Iupiter ne l’auoit pas sceu empescher
de descendre aux Enfers, s’il croyoit tousiours
estre le fils du plus grand des Dieux, & si en ligne directe
il deuoit estre l’vnique heritier de la foudre & du trosne
celeste ? Voila la raison pour laquelle nous estions venus
aux mains auec tant de violence. De quelle barbarie
n’vsa-t’il pas enuers Parmenion, Philoras son fils, tous
deux ses mignons, d’Aminte sa cousine, de sa belle mere,
& de son propre frere ? Ces actions furent si horribles,
que ie n’y pense iamais sans fremir de crainte. Que
ne fit t’il pas encore à Callisthenes Philosophe Olynthien,
son amy tres-familier, & son condisciple sous Aristote ?
Ce digne homme s’estant vn iour genereusement
opposé à l’adoration qu’on luy faisoit, selon la coustume
des Perses, nostre Tyran l’accusa d’auoir conspiré contre
luy, & pour le punir d’vn crime, où il n’auoit iamais pensé
de sa vie, il luy fit couper les membres, & defigurer le
visage ; & puis en cét estat ; il le fit mettre dans vne cage
auec vn chien, où il demeura iusques à ce que Lysimaque
meu de compassion, luy donna du poison, pour le
deliurer de sa misere. Et ce mesme Lysimaque son fauory,
l’vn de ses successeurs à l’Empire, ne le fit-il pas exposer
à vn Lyon, pour auoir seulement eu compassion de ce
pauure malheureux que nous venons de dire. O’digne
Seigneur des ames plus criminelles, ne rendrez-vous
pas iustement à chacun ce qui luy appartient, selon la


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