Anonyme [1649], L’AMBITIEVX OV LE PORTRAICT D’ÆLIVS SEIANVS EN LA PERSONNE DV CARDINAL MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_73. Cote locale : A_3_14.
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Si le fauory de Tibere a pris plaisir à exercer sa cruauté contre
ceux qui deuoient estre le soustien de l’Empire, comme Drusus,
Germanicus, & autres : Mazarin a bien fait tous ses efforts pour
faire mourir, ou du moins exiler ceux de qui la France esperoit estre
conseruée ; Monsieur le Mareschal de la Mothe Houdancourt le
sçait, Monsieur le Comte de Harcourt en doit bien auoir memoire,
& si Monsieur le Prince de Condé n’auoit point les yeux fascinez
& l’esprit preuenu par le sortilege du Cardinal, il seroit celuy
qui le premier en feroit faire Iustice, & peux dire de plus que si i’estois
amy de Mazarin (que Dieu m’en garde) ie craindrois pour
luy que lors que son corps aura souffert la peine deuë à ses crimes,
& que son ame mal-heureuse sera parmy celles des damnez, elle
n’aye quelque reproche de l’ombre du Hector de nostre siecle Mr
de Gassion, & qu’elle ne luy coure sus. Enfin si Scianus ostoit le
pouuoir à Tibere Empereur des Romains d’esleuer les petits & les
humbles, & de recompenser ceux qui le meritoient pour les bons
seruices rendus a sa personne sacrée, ou à l’Estat : Mazarin n’estoit-il
pas prest d’en faire de mesme, sans la iuste opposition d’vn
Venerable Senat, à qui les vrays François n’ont pas moins d’obligation
que de la vie, parce que sans eux certainement cette Monarchie
opulente, & qui tient en bride les plus puissans du monde,
estoit entierement perduë.

Tout ce qui a pris estre doit auoir vne fin, quiconque a vie est
subiet à la mort : Scianus estoit au faiste de la rouë de fortune, il
en auoit vn plus grand sault à faire, puis qu’il auoit pris naissance,
il n’ignoroit pas qu’il estoit mortel, mais il ne sçauoit pas comment
il deuoit mourir : Auant que de venir là, il falloit faire encore quelque
chose conforme à son humeur, il sçauoit bien que le plus
grand contentement que souhaittent auoir les bons subiets qui
ayment bien leur Prince, est de voir souuent la personne de sa
Maiesté, il voulut encore oster ce contentement là aux Romains,
ayant fait sortir l’Emper. Tibere hors de Rome, & luy y demeurant
fut si effronté que de dire tout haut, Ie suis Empereur de Rome, &
Tibere est Prince de l’Isle : cét excez d’ambition ayant esté rapporté
à Tibere, auec plusieurs autres insolences qu’il auoit commises,
furent cause de sa mort, & Tibere reconnoissant qu’il estoit temps
de punir la temerité de cét outrecuidé, & que s’il ne le faisoit, il



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