Anonyme [1652], L’ALLIANCE DES ARMES ET DES LETTRES DE MONSEIGNEVR LE PRINCE. Auec son Panegyrique, presenté à son Altesse Royale. , françaisRéférence RIM : M0_60. Cote locale : B_7_18.
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La Renommée qui est le plus puissant aiguillon pour exciter
les grands courages au mespris de la mort ; en publiant
par toute la terre cet illustre alliance à laquelle vous auez
dõné l’estre : publie aussi qu’il ny a point de bouche ny de plume
capable de la mettre au prix qu’elle merite. Et les Muses
qui se seruent de la voix de la Renommée pour apprendre
aux peuples plus eloignez les miracles de vos exploits, n’ont
point de honte d’auoüer que vous auez epuisé la source des
Arts & des sciences, dont elles abreuuoient leurs Nourriçons.

De tous ces illustres exploits, de tous ces penibles trauaux,
de toutes ces entreprises fameuses, par lesquelles vostre courage,
Monseigneur, s’est signalé par toutes les Prouinces de
l’Europe, vous ne pretendez autre recompense que la gloire
de les auoir faites : Et certes la Gloire est l’vnique obiet des
ames genereuses, c’est le Nort où l’Ayman de leurs affections
se tourne tousiours ; c’est le Nectar qui nourrit & rassasie leur
ambition : le centre où toutes leurs esperances se vont rendre.

Il faudroit, Monseigneur, que comme la Nature a ramassé
toutes ses forces, & mesmes s’est surmontée pour vous donner
l’estre, elle fist vn effort plus grand que son pouuoir pour
esclorre vn nouueau genre d’Eloquence, proportionné aux
merueilles de vos actions glorieuses. Ce que nous n’oserions
esperer, si ce n’est qu’elle employe des siecles entiers pour
produire vn tel chef d’œuure ; ou bien que celuy qui vous a
doüé de si rares qualitez, fasse reuiure quelqu’vn de ces excellens
Genies de l’Antiquité pour estre le Heraut de vos vertus.

Cela estant, Monseigneur, ozeray-je entreprendre ce que
toutes les forces de la Nature ne sçauroient faire qu’auec
tant de peine ? Ozeray-je grauer d’vn burin si rude vos illustres
vertus sur l’airin de l’Eternité ? Ozeray-je publier d’vne
voix si mediocre, ce qui ne peut estre dignement exprimé
par la voix des hommes.

Toutesfois, Monseigneur, puis que le vouloir & l’essay
aux choses grandes est glorieux & loüable : la grandeur du
suiet, ny la connoissance de ma foiblesse ne m’osteront point
le dessein de consacrer ma plume à la memoire de vostre



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