Anonyme [1649], L’ADIEV DE MAZARIN A MONSEIGNEVR LE PRINCE, Auec la response qu’il luy a faite pour l’empescher de partir. , françaisRéférence RIM : M0_39. Cote locale : A_3_13.
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L’ADIEV
DE IVLES MAZARIN
A M LE PRINCE.

Et la responce qu’il luy a faitte.

MONSEIGNEVR,

(Car il faut que ie m’humilie) que les choses de la terre ont d’estranges
reuers & de fatales vicissitudes. Vn iour fuit deuant
l’autre, & celuy-cy, suit celuy-là ; de telle sorte que l’instant presant, mesme a
produit ce que n’auoit pas l’instant passé : & que les choses qui estoient il y a
vn moment ne sont du tout plus. Dans cette eternelle inconstance de toute la
nature, ie ne m’estonne point de voir les bouleuersements de ce temps icy, ce
n’est pas d’auiourd huy qu’on a veu des sujets temeraires & des peuples infideles,
de temps en temps nous en voyons se rebeller contre leurs Princes
& secouër le joug des loix qu’ils ont long-temps adorées. Sur tout les François,
dont la fougue n’est que trop recognuë de tous les peuples de la terre,
sont sujets à ces souleuemẽs. quoy toutefois que ces crimes ne manquent point
d’exemples dans toutes les Histoires anciennes & nouuelles, il n’est personne
qui iusques icy les ayt peu autoriser. Ces violences populaires ont de tout
temps esté scandaleuses aux ames obeïssantes. Dieu a graué dans l’autorité
Royalle vne certaine marque de Diuinité, qu’on ne peut violer sans deuenir
sacrilegue, & des Roys, découle sur leurs Ministres vne certaine splendeur
qu’on ne peut obscurcir sans deloyauté. En s’attaquãt au seruiteur, on ne manque
point de se declarer contre le Maistre, & quant on frappe la teste sur laquelle
la Couronne iette ses rayons, on blesse du mesme coup le chef Couronné.
Toutes ces puissantes considerations, Monseigneur, vous ont assez fait
comprendre [1 mot ill.] des Parisiens, qui c’est declaré cõtre mon innocence. Vous
auez veu la playe qu’on a fait à vostre Monarque, en conspirant contre ma
personne. Il m’auoit esleu pour estre l’administrateur de ces grandes affaires, &
lors qu’on a empesché l’exercice de macharge, vous auez trop cognu qu’on a
condamné indignement son election. Cette cognoissance, Monseigneur, qui
vous a ietté dans mon iuste party donne à tout le monde l’admiration de vos
vertus incomparables. Vous auez veu de quel zele i’ay procuré le bien de ce
Royaume, & vous n’auez peu consentir à son ingratitude. Il me rend de maumaise
sorte la recompense des grands seruices que ie luy ay rendus : mais ie suis
trop payé de vostre seule recognoissance. Par la bien-veillance que me tesmoigne
encore la Reyne, & qu’elle ioint à la vostre, ie suis trop heureux d’estre declaré
innocent parmy les clameurs de tant de voix qui me nomment coupable.
C’est aux grandes ames à faire estat des approbations des grands Genies, & à
mespriser ceux du commun ; la vostre, Monseigneur, m’est plus chere que celle



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