Anonyme [1652], LETTRE RENDVË AV ROY EN PARTICVLIER, Pour luy representer les dangers ausquels les Princes exposent leurs Estats en poussant à bout la patience de leurs Peuples. Prouué par les Exemples tirez des Histoires Anciennes & Modernes, Estrangeres & Domestiques. , français, latinRéférence RIM : M0_2254. Cote locale : B_2_34.
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profit. Nous confessons qu’on vous a fait grand tort de vous
auoir chassé : mais qui l’a fait ? le peuple, direz-vous, qui a
donné sa voix en ma condemnation. Cela est vray, nous no
le nions pas, mais tout le peuple n’est pas d’vne voix, bien
que la pluralité aye esté contre vous. Ceux donc qui auoient
donné leur voix pour vostre absolution, meritent-ils que
vous leur fassiez la guerre comme à des ennemis ? & nous autres
Senateurs qui auons esté si desplaisans de vostre mal,
nous deuez vous reputer pour ennemis ? Mais les femmes
& les enfans que vous ont-ils fait ? faut il que tant d’innocens
tombent en peril & danger d’estre tuez, pillez & saccagez,
sans vous auoir fait tort, mais plustost vous ayans fauorisé ?
si nous vous demandons pourquoy vous voulez razer
& destruire les edifices bastis par nos Majeurs, où sont
leurs statuës & les images de leurs victoires & triomphes, &
pourquoy vous voulez abolir leur memoire : que respondrez
vous ? Pour parler franchement, vous ne sçauriez auoir
sujet d’agir de la sorte, si vous ne voulez dire que les amis &
ennemis, coupables & innocens, les morts & viuans doiuent
également souffrir la vengeance de l’injure qu’on vous
a faite ; chose qui est du tout indigne de vostre pensée. Vous
deuez considerer l’inconstance des affaires de ce monde, le
changement des esprits des hommes, & excuser l’accident
qui vous est arriué à nostre grand regret, & accepter vn retour
honnorable en vostre patrie qui vous desire pour continuer
à employer vostre vertu pour elle, comme vous auez
fait par le passé. Par ce moyen vous laisserez apres vne bonne
& saincte reputation de vostre vertu à la posterité : & si
vous faites autrement, vous laisserez apres vostre mort vne
memoire de vous comme d’vn ennemy, pilleur & saccageur
de vostre pauure patrie, où vous estes né, & où vous auez
esté nourry si tendrement & si honnorablement. Bien plus,
tant que vous viurez vous serez en horreur & execration à
tout le monde, voire mesme aux Volsques, qui maintenant
vous sont amis ; si bien que tout le monde fuïra vostre compagnie


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