Anonyme [1652], LETTRE RENDVË AV ROY EN PARTICVLIER, Pour luy representer les dangers ausquels les Princes exposent leurs Estats en poussant à bout la patience de leurs Peuples. Prouué par les Exemples tirez des Histoires Anciennes & Modernes, Estrangeres & Domestiques. , français, latinRéférence RIM : M0_2254. Cote locale : B_2_34.
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Prince de Galles, auant que combatre, luy fit offre de tendre
tout ce qu’il auoit conquis luy & ses gens, depuis son
depart de Bourdeaux, & de rendre aussi tout le pillage : mais
le Roy ne voulut pas accepter cét offre, mais vouloit que le
Prince & quatre des plus grands Seigneurs de son armée se
rendissent à luy à sa volonté. Le Prince qui estoit genereux,
aima mieux combatre que d’accepter cét accord honteux &
deshonnorable pour luy ; & combatit en effet si vaillamment,
que ses Anglois, quoy qu’en fort petit nombre, defirent
les grandes forces du Roy, & fut le Roy pris prisonnier
& plusieurs autres grands Princs & Seigneurs : pour lesquels
racheter, le Royaume fut si épuise de finance, qu’il falut
faire apres cela de la monnoye de cuir, qui n’auoit qu’vn petit
clou d’argent au milieu. Et de cette bataille arriuerent
en France infinies miseres, qui ne fussent pas arriuez si le
Roy eut esté si bien aduisé que de vouloir sortir de guerre
par doux & asseurez moyens, plustost que par le hasart d’vne
bataille. Les Histoires Romaines sont toutes pleines de
semblabl s’exemples ; car ce qui ruina les Carthaginois, le
Roy-[illisible], le Roy Mithridates, ce qui abatit l’orgueil de
Philippus Roy de Macedoine, du grand Roy Antiochus &
de tant d’autres, fut qu’ils ne sceurent iamais accepter les
bonnes & raisonnables conditions de paix qui leur estoient
offertes par les Romains, & aimerent mieux experimenter
ce que peut la force fondée en bon droit ; Ie dis notamment
fondée en bon droit : car vne petite force qui a le droict auec
elle, abat bien souuent vne grande force qui n’est pas fondée
en bon droict. La raison est éuidente, parce que celuy
qui se sent auoir iuste cause de faire guerre, & qui voit que
son aduersaire se confiant en ses forces, ne veut venir à aucune
composition raisonnable, redouble son courage & son
ardeur, & combat plus vaillamment que celuy qui est poussé
d’vn orgueil, plustost que d’vne generosité de cœur. Mais
la principale raison est, que Dieu, qui donne les victoires,
supporte tousiours le droict : & si quelquesfois il semble


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