Anonyme [1652], LETTRE RENDVË AV ROY EN PARTICVLIER, Pour luy representer les dangers ausquels les Princes exposent leurs Estats en poussant à bout la patience de leurs Peuples. Prouué par les Exemples tirez des Histoires Anciennes & Modernes, Estrangeres & Domestiques. , français, latinRéférence RIM : M0_2254. Cote locale : B_2_34.
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en pratiquant les peuples de Guyenne, pour en estre
declaré Duc par leur consentement, selon le droict qu’il
disoit luy appartenir. Le support de Carloman y pouuoit
beaucoup, mais la prudence & la vigueur de Charlemagne
y pouuoit dauantage. Car estant aduerty des desseins de
Hunault, & des menées secrettes de son frere, il s’arma
auec telle diligence, qu’il surprit les Villes de Poictiers,
Xainte & Angoulesme, & par leur moyen tout le plat pays.
Hunault qui contoit sans Charlemagne, se trouuant méconté,
s’enfuit en Gascongne chez vn grand Seigneur du
pays, nommé Loup, lequel il estimoit estre, non seulement
tres-confident à son party, mais encor tres-fidel amy. Charlemagne
enuoye incontinent à Loup, pour le sommet de
luy remettre entre les mains Hunault, coupable de leze-Majesté,
cependant qu’il fait dresser vn fort au milieu du
pays. Loup obeït & liure Hunault, auquel Charlemagne
donna la vie, auec la liberté & la iouïssance de tous ses biens :
laissant aux grands vn memorable exemple comme ils se
doiuent comporter dans les émeuttes ciuiles, en preuoyant
le mal par prudence & diligence, & neantmoins ne desesperant
pas par la rigueur leurs sujets vaincus.

 

Mais qu’est-il besoin d’aller chercher des exemples si
loing ? nous en auons, Sire, de plus ressents & de plus conformes
aux affaires presentes. En l’an 1541. les Rochelois
s’estans mutinez contre quelques Officiers du Roy, pour le
fait de la Gabelle du sel, reconnurent apres quelque temps
leur faute, s’humilierent enuers François I. Prince d’heureuse
memoire, & luy demanderent pardon. Ce bon Prince
leur pardonna de tres-bon cœur, & leur fit vne remonstrance
digne d’estre escrite en lettres d’or, & grauée sur des
tables de Cedre. Que leur faute veritablement estoit bien
lourde, & meritoit bien punition : mais que neantmoins c’estoit
vne chose bien conuenable à vn Prince, de preferer la clemence
à la seuerité : que sçachant qu’ils estoient nez de tres-bons sujets,
dont la fidelité auoit esté experimentée plusieurs fois par ses



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