Anonyme [1652], LES VERITABLES MAXIMES DV GOVVERNEMENT DE LA FRANCE, IVSTIFIÉES PAR L’ORDRE des temps, depuis l’establissement de la Monarchie iusques à present : Seruant de Response au pretendu Arrest de cassation du Conseil du 18. Ianvier 1652. DEDIÉ A SON ALTESSE ROYALE , français, latinRéférence RIM : M0_3969. Cote locale : E_1_86.
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que les Cardinaux, qui estoient en France & sous la protection mesme
du Roy, n’estoient point iusticiables de sa Saincteté. Quand ie me ressouuiens
que Monsieur le Chancelier en fit pour lors vn grand discours
au Nõce du Pape, & auec vne hauteur qui ne sentoit point du tout cette
Reuerence filiale, de laquelle le Conseil veut faire vanité aujourd’huy
pour s’accommoder tousiours aux interests du Cardinal Mazarin.
Quand ie me ressouuiens enfin que le Conseil excita encore la voix de
Messieurs les Gens du Roy, qui interietterent appel comme d’abus de
cette Bulle, sur cette seule consideration que le Cardinal Mazarin, &
les Barberins mesme qui estoient pour lors en France, ne pouuoient
par les loix du Royaume estre iustïciables de sa Saincteté, Ie m’estonne
apres cela comme nos nouueaux Ministres ont tombé dans cette absurdité :
Il faut qu’ils soient ignorans ou meschans, qu’ils ayent conspiré
contre le Royaume auec le Cardinal, ou qu’au lieu de ces belles connoissances,
que leurs partisãs leur ont tant de fois attribuées, ils n’ayent
iamais payé que de grimaces & d’hypocrisie.

 

On veut encore par ce preteudu Arrest de cassation, que l’Arrest du
Parlement soit contre les mœurs & la police du Royaume, parce qu’il
a ordonné que le Cardinal seroit representé mort ou vif à Iustice.

Cela est-il nouueau dans nos Mœurs ? Tous les iours le Parlement
prononce de la sorte, quand on ne peut faire executer les Arrests par les
voyes ordinaires, comme quand l’accusé s’est ietté dans vne maison
forte, ou qu’il marche tousiours accompagné de gens armez : il faut que
l’authorité en demeure à la Iustice. On ordonne que l’Accusé sera pris
mort ou vif.

Le Cardinal Mazarin marche auec vne armée toute entiere, il vient
insolemment triompher de toutes les loix, il fait violence au droict public,
& on ne veut pas qu’on prononce contre luy, comme on fait tous
les iours contre vn particulier, qui n’est accusé que de crimes ordinaires.
On veut que l’authorité du Roy, du Parlement, l’honneur & la
gloire de la Nation Françoise, soient mesprisez par l’insolence d’vn
Estranger, & qu’on n’employe pas les remedes les plus frequens pour
venger cet affront & cette iniure. Bref on veut que le Cardinal Mazarin
viole tout, & qu’il soit luy seul inuiolable.

Le Parlement n’a-t’il point d’exemples celebres pour appuyer encore
son Arrest. Nous sçauons ce qui s’est passé autrefois à l’esgard du
deffunt Duc de Rohan : Sa teste fut mise à cinquante mil escus par le
Parlement de Thoulouse, lors qu’il auoit les armes à la main dans les
Seuennes, & qu’il n’auoit pas voulu obeïr aux premiers Arrests rendus
contre luy.



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