Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT, A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : C_10_29.
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& touchons nos playes, & nous ne pouuons encore nous imaginer
qu’elles viennent de vos traits, & qu’elles partent de vostre main. Vostre
Majesté sçait, que le Prophete Roy estant extrémement alteré, ne voulut
pas boire vn verre d’eau qui auoit esté gaigné sur les ennemis, par
le danger & le sang de trois de ses seruiteurs, qui s’estoient exposez pour
l’enleuer. Et qui oseroit penser que V. M. voulust achepter la satisfaction
d’vne de ses volontez, quand elle seroit la plus iuste du monde,
par les calamitez d’vn million d’hommes, & la desolation de tout
vostre Royaume ?

 

2. Reg.
23. 35.

Il est aisé à iuger, que V. M. ayant l’ame si bonne & si Chrestienne,
n’a point de mauuaises intentions : mais que se croyant Depositaire de
l’authorité Royale, qu’elle pense estre blessée, elle a droict de la maintenir
par des exemples d’vne haute seuerité. I’atteste icy le Dieu des
Monarques, que c’est vne illusion d’Estat, de se figurer que l’authorité
du Roy consiste en la rigueur du Gouuernement, & en l’abaissement
des Peuples. C’est le chemin que les violens Fauoris ont pris de tout
temps, pour regner iusques sur leurs Maistres, sous pretexte de seruice.
Ils ont tellement fait valoir cette authorité Royale qu’ils auoient entre
les mains, qu’à force de l’esleuer ils l’ont destruite. Ils ont tout
attribué aux Roys, ils n’ont songé qu’à la teste du corps de l’Estat, &
l’ont enfin renduë si grosse & si monstrueuse, que les pieds ne l’ont pû
supporter : & que fondant sous le poids d’vne grandeur démesurée, ils
l’ont enseuelie dans leur ruïne. On ne voit rien de si ordinaire dans
les Histoires que des Couronnes cassées, & des Sceptres brisez, pour
auoir indignement traicté les Peuples. Ce n’est point vne authorité
Royale que d’aller par tout enuironné de terreurs, que de faire gemir
des Peuples innocens sous le ioug d’vne amere seruitude, que de marcher
sur les ruïnes des Villes fumantes, que de dresser des gibets, que
d’ensanglanter des eschaffauts, & allumer des brasiers, comme ont fait
les Herodes & les Nerons. L’authorité Royale est vn rayon de la face
de Dieu, vne haute estime, vne veneration tres-grande, imprimée dans
le cœur des Peuples, qui vient de la vertu, de la saincte puissance & de
la capacité des Roys : mais sur tout de la bonté & de la clemence, qui
fait que leur Thrône est soustenu par les mains de l’amour des Peuples
enuers eux, plus que par les Armes, par les Regimens & par les Citadelles.
C’est cette vertu, MADAME, que nous auons tousiours reconnuë
en V. M. & dont vous auez ietté les semences dans le cœur de
nostre ieune Roy, pour les faire esclorre sur le Thrône.

A Dieu ne plaise que vous gastiez les ouurages de vos mains sur la
fin, & que cette Regence qui a eu tant de benedictions du Ciel, & tant
d’admiration sur la terre, se termine par des exemples d’horreur, & par
des chastimens sur des Magistrats & sur vn Peuple, qui n’ont iamais à
dessein choqué l’authorité du Roy, ny la vostre, & qui la respectent encore
auec toutes les soumissions possibles. Si quelques fautes de precipitation



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