Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : A_7_44.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 10 --

seront les instructions de tout ce qu’il y a de plus pur dans nostre
Christianisme.

 

Vostre Maiesté a pû apprendre de l’histoire ancienne, que cette illustre
Princesse Berenice, qui estoit née du sang dont le Sauueur a pris
naissance, gaigna par ses rares qualitez le cœur de Tite Vaspasian, le
plus aymable Empereur, & le premier conquerant de la terre, qu’elle
aymoit extremement, estant reciproquement honorée de son amitié
iusqu’à vne recherche de mariage ; mais comme elle vit que le Senat
& le peuple Romain n’aggreoient pas cette alliance, à raison qu’elle
estoit estrangere, elle quitta ce grand Prince par vertu qui la congedioit
à regret, l’vn sacrifiant son affection, & l’autre sa fortune aux interests
de l’Estat. Cette victoire qu’elle emporta sur elle-mesme pour
la paix d’vn Empire estranger, a passé à la veneration de tous les siecles.
Et nous esperons aussi de vostre prudence, que vous ferez pour
vn Royaume qui est si vostre, ce qu’elle a fait pour celuy là mesme
qui luy estoit si ennemy, & que par ce moyen vous rehausserez vostre
Couronne d’vn Iustre incomparable.

Sueto. in
Tito. cap.
7.

Personne, MADAME, ne pretend faire en sorte que la necessité
vous arrache ce que la vertu vous demande ; on sçait que vous
estes puissante, mais on ne peut pas oublier que vous auez esté tousiours
bonne iusques icy ; on desire oster vn obstacle à vostre vertu,
mais au reste, on vous cherit encore icy, on se passionne pour vostre
grandeur, & ceux là mesme qu’on vous a dépeint si noirs, voudroient
vous auoir fait vn degré de leurs propres corps pour remonter
sur le Trône de Paris, en y gardant la iustice que vous deuez à vos
suiets. Qu’a fait Paris, MADAME, (si vous voulez oüir ce qui
se dit) qu a fait Paris ? qu’ont fait vos Magistrats ? sinon de vous representer
les Loix & les Ordonnances du Royaume, à quoy ils sont
obligez en conscience, s’ils ne veulent estre condamnez de trahison ?
Qu’ont ils fait sinon de deffendre les droicts du Roy vostre fils ? sinon
de retenir l’Estat lors qu’il estoit sur le panchant de sa ruyne ? sinon
d’appaiser la sedition & empescher la ville de perir ? Qu’a fait Paris
armé, sinon de s’opposer à la plus triste des furies, qui est la faim ?
d’empescher les massacres ? de vous conseruer les restes d’vn Royaume
tant de fois deuoré ? il vous poursuit encore par ses soumissions
lorsque vous le fuyez ; il vous ouure ses portes, & son cœur, en luy
r’amenant ce sacré Depost que vous luy auez enleué, & vous le tourmentez,
& vous en voulez faire vn exemple d’horreur, & vn spectacle
d’vne Tragedie deplorable à tous les siecles. C’est ce que nous ne
pouuons nous persuader ; car apres cela quelles mains auriez-vous
pour leuer aux Autels, quel cœur pour receuoir les Sacremens, & qui
vous pourroit absoudre dans le dessein que vous auriez de perdre tant
d’ames rachetées du Sang de IESVS-CHRIST.

Helas ! MADAME, c’est desia trop : Nous voyons vn million d’ames
affligées pour le contentement d’vn seul, nous voyons le fer & la
faim en vostre Ville capitale, où vous auez tousiours desiré la Paix &



page précédent(e)

page suivant(e)