Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : A_7_44.
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esbranlez toutes les Villes qui ont leurs alliances, leurs commerces,
leurs correspondances dans Paris, il n’y a presque personne en France
qui ne s’estime comme Bourgeois de Paris, & qui ne prenne part
à sa prosperité, & qui ne s’afflige de sa perte. Quelque succez que
V. M. puisse auoir de cette entreprise, il faut perdre l’argent & le
sang de vos Sujets ; & vous auez desia perdu a la prise d’vn village
des Illustres qui ne meritoient de mourir que sur les remparts de
Constantinople.

 

Adjoustez, MADAME, que les Villes reuoltées feront tarir
toutes les veines de vos Finances, qui ayant esté employées pour
le mal, ne vous laisseront pas la liberté de faire le bien quand vous le
voudrez. Ie dis plus, que par ce moyen vous auez monstré au Peuple
ses forces qu’il deuoit ignorer, de peur que ce qui s’est fait en vne
bonne cause, ne se fasse vne autre fois en vne mauuaise. Et ce qui passe
encore tout ce qu’on sçauroit dire, c’est que ce mal-heureux dessein
releue les ennemis abattus, & ruïne les conquestes du feu Roy vostre
tres honnoré Espoux, qui ont cousté tant d’or & de sang, qu’il suffisoit
pour achepter plusieurs grands Royaumes ; En perdant tout cecy
vous ne gaignez rien, car cette authorité que vous pretendez maintenir
par cette rigueur n’estoit point blessée : On sçait bien que les
Regens & Regences des Royaumes ne sont pas les Originaux de
l’authorité, mais les Depositaires, & que s’ils veulent entreprendre
par delà les anciens ordres du Royaume, on leur peut opposer la Loy
sans les offencer. Si V. M. eust pris cette opposition ciuilement, elle
n’estoit nullement interessée, mais les Grands ont des delicatesses de
gloire qui ne leur permettent pas tousiours de voir la verité. Vostre
Majesté a mis maintenant l’affaire à ce poinct, que si la resistance emporte
sur elle, son authorité s’abat, & si vous surmontez autrement
que par la clemence, vous la rendez rude & mal faisante, & telle
qu’elle n’est plus à l’vsage de cette Monarchie. Nos Roys mesmes
tout majeurs & tout absolus qu’ils ont pû estre, n’ont iamais creu que
leurs seules volontez fussent la regle de toutes les Loix, ils ont estimé
que leur grandeur estoit de gouuerner le Royaume selon les Ordonnances
anciennes de l’Estat de France, de faire approuuer leurs Edicts
par les Cours Souueraines, de demander conseil, d’escouter les remonstrances,
& de ne se point piquer des oppositions respectueuses
qu’on leur a faites de tout temps pour le bien de la Iustice, & la grandeur
de leur Estat. Ce Ministre si absolu qui estoit Eccentrique presque
en toutes ses actions, a tiré cette Monarchie de son centre, & l’a
extrémement disloquée, ses exemples doiuent donner plus d’horreur
que d’enuie de les imiter. A moins qu’on disputast la Couronne du
Roy vostre Fils, V. M. ne sembloit pas deuoir employer cette rigueur
contre des Subjets si doux & si dociles, qui ont des passions immortelles
pour leur Roy vostre Fils, leur Dieu-donné, qu’ils ayment &
honnorent iusques à la veneration, & soustiendront iusques à la derniere
goutte de leur sang. Apres cela, MADAME, voudriez vous



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