Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : D_2_8.
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fin, & que cette Regence qui a eu tant de benedictions du Ciel, & tant
d’admiration sur la terre, se termine par des exemples d’horreur, & par
des chastimens sur des Magistrats & sur vn peuple, qui n’ont iamais à
dessein choqué l’authorité du Roy, ny la vostre, & qui la respectent
encore auec toutes les soumissions possibles. Si quelques fautes de precipitation
sont eschappées, ne seroit il pas bien seant à vostre dignité,
à vostre sexe, & aux bienfaits que vous auez receus de Dieu, de les effacer
plustost par misericorde, que les punir par iustice. MADAME,
le Dieu que vous adorez & que vous deuez representer sur le Trône, est
misericordieux iusques aux enfers, & vous voulez chastier sur la terre
des pechez ou de surprise ou de saillie, qui sont (comme il est croyable)
pardonnez dans le Ciel : Ne craignez point que la clemence rende vostre
Sceptre plus foible, mais craignez plustost que la rigueur ne le
rompe.

 

A Dieu ne plaise que la passion d’vn cœur irrité vous fasse exposer le
patrimoine de Charlemagne & de sainct Louy, hazarder l’œuure de
douze siecles & de soixante & quatre Roys, au mespris des peuples, qui
en verroient les foiblesses, & au pillage des estrangers qui en enuient la
despoüille. A Dieu ne plaise que vous leuiez les sacrées barrieres qui
maintiennent les Estats, faisant tenir presque pour perdu, tout ce qu’on
a monstré se pouuoir perdre.

Prenez pitié de vous-mesme, MADAME, si vous n’auez point compassion
de nous ; prenez pitié du Roy vostre fils ce Dieu donné, à qui
vous deuez plustost laisser l’amour des peuples en partage, que la vengeance
des iniures d’vn estranger. Ce n’est point vn petit nombre de factieux
qui causent ces remuemens, comme on pense faire croire à vostre
Maiesté. Les Princes & les Grands ont leué l’estendart, les Parlemens
sont declarez pour le bien public ; les Prouinces sousleuées, & les Villes
armées, les Peuples irritez contre le gouuernement. Ce n’est point la
main d’vn homme qui fait ces grandes operations, c’est celle de Dieu
qui vient pour punir nos pechez : tout vostre Royaume est en feu, &
vous feignez de distiller vne goutte de rosée pour l’esteindre.

Sortez, MADAME, de ces confusions d’esprit, r’allumez ces flâmes
eclipsées de vostre charité, que nous auons tant de fois admirée en
V. M. faites remonter les vertus sur le Trône auec vous, & reprenez vn
cœur de Mere enuers vos peuples affligez. Il y a long-temps que Dieu
vous poursuit, & tend à vostre obeyssance les mesmes bras qu’il a estẽdu
sur la Croix, ne le mesprisez point, MADAME, & vous souuenez
tous les iours de ce iour redoutable qui vous fera paroistre deuant son
Trône despoüillée de tous les ornemens de cette fresle gloire qui vous
enuironne, & n’ayant plus que le bien & le mal que vous aurez fait à
vos costez ; faites ce que vous voudriez auoir fait pour lors, & iugez vos
peuples comme vous desirez estre iugée de Dieu ; faites vostre merite de
l’occasion presente, pour en faire nos felicitez, & Dieu en fera vostre
gloire.

FIN.



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