Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : D_2_8.
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ont si dignement serui, à tant de personnes innocentes, à tant d’ames
Religieuses qui s’affligent, & qui se sanctifient pour vous iour &
nuit, vouloir que tout perisse plustost que de laisser perir la satisfaction
d’vn desir ; qui pourroit accorder cela auec la Religion, la pieté,
& la conscience ; & qui ne voit que ces pensées ne conuiennent point
à vostre naturel, mais qu’elles sont inspirées par les mauuais genies
de la Frãce : c’est vouloir faire plus que Dieu, que de perdre des Villes
entieres, pour vne opinion d’authorité, qu’il n’a iamais perduës que
pour des crimes execrables. Quand il vient pour chastier Niniue
plongée dans de tres-grands pechez, il s’arreste, & pardonne, parce
que, dit-il, il y a des enfans, & des simples gens, qui ne sçauent discerner
entre la main droite & la main gauche, outre quantité d’animaux
qui n’ont rien demerité ; Dieu pardonne en consideration
mesme des bestes, & vous ne voudriez pas pardonner pour l’innocence,
pour la vertu, pour tout ce qu’il y a de sacré & de diuin. Mais
on dira que vous n’en voulez point au peuple de Paris, qu’il vous li
ure le Parlement, & vous voilà contente. C’est vne question agitée
par les Theologiens Scolastiques, qui demandent si on peut liurer vn
seul homme innocent à la mort, pour appaiser les coleres d’vn Grand,
qui veut qu’on luy liure, autrement qui menace de saccager toute la
ville. Tous respondent qu’il n’est pas permis de luy liurer, parce
qu’on ne peut authoriser vn peché par le succez d’vn bien temporel.
Le Peuple de Paris croit que ses Magistrats sont innocens, qu’ils ont
souffert pour vne bonne cause, pour la verité & pour la iustice, s’ils
les croyoit ennemis de l’authorité du Roy ; il les mettroit en pieces,
mais ayant de tout autres sentimens de leur Vertu & de leur Fidelité,
il ne peut, ny ne doit les abandonner à la discretion d’vn Ministre
estranger. C’est vn peuple trop illustre & trop conscientieux pour se
faire le bourreau des Gens de cette qualité, & de toute autre que ce
soit.

 

Sap. 12.
12.

Matth.
22.

Iona cap.
vltime.

Gregor. à
Valentia
in 2. 2.
9. de homicidio
dicit omnes
ita
sentire.

Si la consideration de la Religion resiste au dessein de V. M. les
raisons d’Estat n’y sont pas moins contraires ; le plus sage des Politiques
Auguste Cesar, disoit que ce n’estoit pas le faict d’vn habile
homme en matiere de Gouuernement, d’entreprendre vne affaire où
il y a plus à perdre qu’à gaigner. En celuy-cy, MADAME, vous
perdez beaucoup, & vous ne gaignez rien, vous perdez Paris qui est
vn demy Royaume de France, comme si vous couppiez vostre Couronne
par la moitié. C’est la Reyne des Villes, le Throsne des Roys,
le plus haut Lustre de l’Estat, qui fait la terreur de vos ennemis, la
gloire de vos Sujets, & l’admiration de tout le monde. C’est le sejour
de la plus haute pieté, la Mere des Sciences & des Arts, le lieu des
grandes affaires, la Depositaire des trophées & des Couronnes ; C’est
de là que vient le secours des armes le plus present, l’argent le plus
net & le plus prest, que les Parisiens ont tousiours payé auec vne diligence
qui n’a rien de pareil que leur fidelité.

En outre, ruïnant Paris vous touchez à la Clef de la Voute : Vous



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