Anonyme [1652], LE SOVPER ROYAL DE PONTOISE, FAIT A MESSIEVRS LES DEPVTEZ des six Corps des Marchands de cette Ville de Paris. En Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_3705. Cote locale : B_15_42.
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Qu’il ny auoit que le plancher,
Qui peust seruir pour l’eau pancher.
Les voila tous dedans l’attente,
De ce qui rend l’ame contente,
Quand apres auoir bien jeusné,
Ou quand on n’a point déjeuné,
On voit rincer & verre & couppe,
Et qu’on voit apporter la souppe.

 

 


Pour rendre le tout solemnel,
Ils auoient vn Maistre d’Hostel,
Qui dans son manteau portoit panne,
Et en sa main tenoit la canne,
Afin que l’on vist son pouuoir,
Et qu’vn chacun fit son deuoir,
Il dit que grande porte on ouure,
C’est le souper qui vient du Louure,
Viste, que sur cloche ou bassin,
De gueulle on sonne le tocsin,
Et que si quelque place est prise,
Qu’on ne m’accuse de surprise :
Lors vn homme de probité
Dit haut le Benedicite,
Auquel en grande reuerence,
Respondit la noble assistance,
Les mains jointes, le chapeau bas,
Faisant honneur à ce repas.
Quoy fait, chacun se sied à table,
Ou l’on n’estoit point charitable,
Nul ne voulant prester cousteau
Au voisin pour coupper morceau :
Ils se ietterent sur la viande,
La meilleure & la plus friande,
Et sans tenir aucuns propos,
Ils deuorerent iusques aux os.
Quoy que grande fust l’assemblée
La feste n’en fut point troublée,
Quoy qu’estoient mis parmy ces gẽs,
Bon nombre de passeuolans,
Qui estans assis à leur aize
Vn seul mangeoit autant que seize,
Ce qui fut cause qu’apres tout,
Les Moines n’eurent tien du tout,
Car à ces escumeurs de nappe,
Aucun morceau ne leur eschappe,
Et sont si bien faits à cela,
Courant par tout & ça & là
Que quand on les void on peur dire,
Qu’apres eux n’y a dequoy frire,
Apres que l’on eust bien mangé,
Tout estant encore arangé,
Du reste du premier seruice,
On fit apporter de l’Office,
A plats creux, & à descouuert,
Le Fruit qu’on nomme le dessert,
Là les raisins & le fromage,
A ces Messieurs rendoient homage,
Ce fut pour lors qu’on beust d’autant,
Et qu’vn chacun paya contant,
Car la chere ny la vinée,
N’y fut en tout point épargnée,
Chacun beuuoit à la santé,
De la sacrée Majesté,
Du Souuerain de nostre France,
Qui auoit fait grace à la panse,
De tant de notables Bourgeois,
Et de tant de si bons François,
Qui apres auoir rendu grace,
Sortirent de fort bonne grace,
Et salüant les Officiers,
Prirent congé des Cordeliers,
Chacun tirant droit à son giste,
D’vn pas qui n’estoit pas trop viste.
Comme ces Messieurs s’en alloient,
Les vns aux autres se parloient,
Et du dessein & du mystere,
Et du festin & de la chere,
Comme ils auoient esté pressez,
Et comme on n’auoit mis assez,
De couuerts pour cette assemblée,
Qui plus belle vn peu m’eust semblée,

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