Anonyme [1649], LE ROMAN DES ESPRITS REVENVS A S. GERMAIN. Burlesque & serieux. Et le QV’AS-TV VEV DE LA COVR, Ou LES CONTRE-VERITEZ. Sur l’imprimé à PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_3559. Cote locale : E_1_78.
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de me remuer sous vn faix si pesant : Tout le monde se
prit à tire de ces plaisantes imaginations, & chacun luy fit
quelque question sur vn sujet si risible. Le Roy luy demanda
fi ces esprits estoient faicts comme des hommes, & il luy
respondit, qu’ils prenoient toutes sortes de formes, mesmes
des plus cruels animaux.

 

La Reine luy demanda, si c’estoit en dormant qu’il auoit
toutes ces belles visions, à quoy il respondit, qu’il n’en sçauoit
rien, & qu’il ne sçauoit plus en quel estat il estoit si tost
qu’ils venoient à paroistre. M. le Duc d’Anjou fut curieux
de sçauoir s’ils ne mangeoient point les hommes, il fit response,
qu’ils ne mangeoient que les petits enfans qui ne vouloient
pas obeyr : M. le Duc d’Orleans demanda ce que c’estoit
que ces esprits, & il luy asseura que c’estoit les ames des
hommes. M. le Prince voulut sçauoir de quelle couleur ils
estoient, & il luy dit qu’il ne les auoit iamais pû discerner,
dont il fut fort satisfait. Le Maresc. de Grandmont fut d’aduis
qu’on les fit fuyr auec la Croix & l’eau beniste : Et le
sieur de la Melleraye dit, qu’il ne falloit que mettre le feu à
la maison quand ils y seroient tous entrez, afin de les faire
perir dans cet embrasement, & de les remettre en enfer d’où
ils estoient sortis sans permission, Mais le Cardinal leur fit
response, que ces esprits ne s’enfuyoient point par des conjurations,
& que le feu n’auoit point de puissance sur eux :
Toutes les Dames commençoient desia à dire leur ratelée,
lors que me treuuant lassé d’estre couché sur vn bras, ie voulus
le retirer de dessous mon costé, mais par malheur, venant
à rencontrer quelques fueilles seiches où ie voulois le poser,
cela fit vn peu de bruit, qui leur donna tant d’épouuente
qu’elles se mirent à fuyr à trauers le Iardin comme des Bacchantes,
disant qu’ils auoient ouy vn esprit, la Reine tenoit
le Roy par la main, & M. le Duc d’Anjou la tenoit par la robe ;
il n’y eut que Madame la Duchesse d’Orleans qui eut de
la presence d’esprit assez pour faire vn grand signe de croix
en courant comme les autres : Le Mareschal de Grandmont
voyant qu’il n’estoit question que de fuyr, fit merueilles de
ses jambes en cette occasion, il fut le premier à la porte à



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