Anonyme [1649], LE ROMAN DES ESPRITS REVENVS A S. GERMAIN. , françaisRéférence RIM : M0_3559. Cote locale : C_9_86.
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en beau camp de parler, & elles eussent dit vne quantité
d’histoires par ouy dire sur ce sujet, pour conuaincre
Monsieur le Prince ; mais le Roy aprés auoir dit
qu’il en auoit quelquefois ouy quelques vnes en sa
chambre, qui l’auoient bien rejouy, sans iamais l’auoir
espouuanté, il pressa le Cardinal de continuer : ce qu’il
fit en ces termes.

 

Encor qu’il n’y ayt personne de vous qui doute de
l’existence des esprits, toutesfois ie pense estre le mieux
instruit, & le mieux persuadé de la compagnie, aussi
ie croy qu’il m’ont ioüé leurs plus vilains tours, &
qu’ils m’ont pris pour l’objet de toutes leurs funestes
recreations. Ils inuentent tous les iours mille nouueautés,
qu’ils apportent de la Cour infernale, pour
me faire enrager : ie croy qu’ils taschent à me ietter
dans le desespoir pour me faire rendre l’ame sans confession.
Les Dames me chantent vn Salue Regina, comme
l’on fait à ceux qui sont prés d’endurer le supplice ;
autres vn Libera comme si i’estois des-ja mort ; quelques
vns me mettent en poussiere : d’autres se contentent
de me porter en terre, en chantant des Pseaumes
de Dauid. Il en vient qui m’honorent pour se
mocquer de moy, & qui me traitent d’Eminence, &
montrent vn precipice où ie suis tout prest de mettre
les pieds, d’autres en forme de Choüettes, & de Hibous,
me predisent plus de mal-heurs qu’il n’en est arriué au
monde depuis qu’il subsiste, quelques-vns me dechirent
à belles dents comme des chiens affamés ; il y
en a qui se contentent de me chanter poüille, & de me
dire plus d’iniure qu’vn million de harangeres n’en



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