Anonyme [1649], LE ROMAN DES ESPRITS REVENVS A S. GERMAIN. , françaisRéférence RIM : M0_3559. Cote locale : C_9_86.
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peur, & pria sa bonne Maman, & les autres de ne
rien craindre, & de laisser dire Monsieur le Cardinal.
Tout le monde se mit aussi-tost en deuoir de l’escouter,
& il poursuiuit en cette sorte. C’est vne verité
que l’Escriture saincte confirme, qu’il y a de ces esprits,
& plust à Dieu qu’il n’y en eust pas tant, ie serois
vn peu plus à mon ayse : & pour conuaincre la Compagnie
sur ce qui en est ; ie m’en vay gager tout ce qu’on
voudra, quoy que dise Monsieur le Prince, que les armes
dont il s’est seruy pour gaigner ses victoires, &
celles dont il s’est seruy tout nouuellement à la bataille
de Lens, qui estoient si claires & si luisantes, &
qui auoient esté fourbies & esclaircies par ces esprits
dont ie parle, sont à present deuenuës toutes noires
par la malice de ces mesmes esprits qui se sont piqués
de les voir trop esclattantes. Tout le monde ietta les
yeux sur Monsieur le Prince : ce qui l’obligea à dire
qu’il auoit à son costé la mesme espée dont il s’estoit
seruy à la bataille de Lens, & que si le Roy luy vouloit
donner permission de la tirer en sa presence, on verroit
la verité de ce mystere.

 

Le Roy, sans luy donner le loisir de la tirer, luy mesme
l’alla prendre & la mit hors du fourreau, & on remarqua
sur la lame quelques petites taches noires, &
les Dames dont l’imagination estoit preuenuë, y en
treuuoient beaucoup dauantage. Luy sans s’estonner
de cette belle preuue, leur dist que ces taches n’estoient
qu’vn peu de roüille qui s’estoit là engendrée, à cause
qu’il auoit esté vn peu long-temps sans la tirer du
fourreau. Toutes les femmes pour lors se treuuoient



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