Anonyme [1649], LE REPENTIR DE MAZARIN PAR LVI TESMOIGNÉ A LA REYNE, ET LA DEMANDE DE SON CONGÉ. , françaisRéférence RIM : M0_3352. Cote locale : C_9_63.
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LE REPENTIR DE MAZARIN,
par luy tesmoigné à la Reyne, & la demande
de son congé.

MADAME,

Si ie n’eusse iamais cessé de croire à nul autre, qu’à vostre
cœur ; AVGVSTE REINE, sur la grandeur de l’amour
que vous auez pour le repos du peuple, & le bien de
la France, auant que pour la gloire du plus Auguste Monarque
de l’Vniuers vostre Fils ; ie n’eusse esprouué dans le
plus haut estat de ma fortune, les ressentimens extraordinaires
de la crainte & de la douleur ; mon ame ne se verroit
sur le bord du precipice, si ie n’eusse esté par trop credule
aux solicitations feintes, & supposées, par la passion
de ceux qui pensent rendre leur mal heur moins sensible,
m’y entrainant auec eux.

I’apprends par mon interest propre, que le Ciel ne nous
dite ses loix, que par la bouche des Souuerains, & ne prononce
ses oracles, que par l’organe des Rois ; & que l’esclat
de ma gloire n’a commencé à perdre son lustre, que lors
que i’ay voulu esteindre les diuines flammes de vostre
amour enuers vos sujets : Il est vray, que l’intemperance de
mes desirs, & de mon auarice, a estouffé tous les rayons de
ma dignité & de mes grandeurs, & suis contraint par les tesmoignages
de mes yeux mesme, & par les effects d’vne experience
des desordres que i’ay causé dans l’Estat, de m’en
aller, ie suis deuenu l’object de l’ignominie, & de l’opprobre
de ceux, de qui ie pouuois attendre l’honneur, & le lustre



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