Anonyme [1649], LE REPENTIR DE MAZARIN PAR LVI TESMOIGNE A LA REYNE, ET LA DEMANDE DE SON CONGÉ , françaisRéférence RIM : M0_3352. Cote locale : A_8_41.
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execrable sans remede, vne ruine espouuantable
sans secours, vn esclauage suiuy de mille douleurs, & vne
mort languissante dans vne infinité de miseres.

 

O impieté inoüye ! ô barbarie nompareille ! inhumanité
prodigieuse ! que ie me sois rendu indigne, non seulement
des biens faicts de la France ; mais que ie me sois
encor monstré ingrat à leurs faueurs ; quel iugement fera
l’Europe de Mazarin, qui traite ainsi ses amis, qui reconnoist
ainsi ses biens-faicteurs ? aptes auoir receu tant de
preuues de leur amour, tant de signes de leur respect, tant
de tesmoignages de leur liberalité, apres auoir veu, que la
bassesse de ma condition, que la pauureté de ma naissance,
& que la foiblesse de mes esperances a esté esleuée,
par leur soubmission, enrichies de leurs despoiülles, & fortifiées
de leurs grandeurs ; ie l’ay blessée, ie l’ay meurtrie,
& tasché à la diuiser par des guerres ciuiles, poussé d’vne
ingratitude la plus indigne enuers des merites dignes d’vne
plus grande reconnoissance.

I’aduoüe, Madame, que ie deuois me contenter, d’auoir
emporté de la France tant de millions d’or, & de riches
pierreries, sans entreprendre d’exprimer, par vne
guerre sanglante, le sang des veines de ses enfans, pour
tascher de satisfaire ma cruauté au temps que i’auois pillé,
pour assouuir mon auarice.

Ie ne puis maintenant croire, & ne le dois aucunement,
que le Ciel soit pour moy, les oracles diuins seroient
menteurs, & ie tiens desormais pour fausses les vaines flatteries
de ceux, qui me promettent des trophées auant la
bataille Dieu n’a point de paroles nouuelles dissemblables
à sa voix eternelle ; partant c’est vn blaspheme de croire,
que le Ciel vueille authoriser vne entreprise si dangereuse
qui met à l’hasard l’asseurance de la Couronne, & au
carnage le salut d’vne nation entiere.



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