Anonyme [1649], LE POLITIQVE ESTRANGER, OV LES INTRIGVES DE IVLES MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_2814. Cote locale : A_7_2.
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du Prince de Condé, & plus que de celle du Duc d’Orleans,
pour me maintenir & m’appuyer contre les Parlementaires, parce
que c’est vn Prince courageux, hardy, habille, & capable de
former vn puissant party en France. Ie me liguay auec luy fortement,
& ie luy promis, comme i’ay desia dit, que s’il vouloit me
proteger i’empescherois bien que la Riuiere ne fut Cardinal, au
moins si tost comme il l’esperoit, quoy qu’on luy eust promis, &
qu’il n’y auroit qu’à luy opposer le Prince de Conty.

 

Me voila donc à la Cour parmy les desordres de Paris & du
Parlement protegée de ces deux Princes, qui dans leur ame me
voudroient peut-estre voir au gibet. Ie surmonte cependant
tous les efforts de mes ennemis, & par ma conduite ie les ay rendus
vains & inutils, mes affaires s’accommodante auec celle de
l’Estat moyennant vne declaration du Roy, & toutes choses
estantes paisibles la Riuiere n’attendant plus que l’heure qu’on
luy apporte les nouuelles de sa promotion afin de jouer son jeu,
& pour me dethroner, somme le Prince de Condé de se declarer
pour la pretention du Prince de Conty au Cardinalat.

Ce Prince se declare, la Riuiere s’en plaint, mais en vain, il
fait faire des incartades impertinentes à son Maistre sur ce sujet :
moy ie m’en laue les mains, comme on dit, & i’en rejette la faute
aux Princes : dis que ie ne puis que faire contre les desseins du
Prince de Conty, que sa pretention est iuste & raisonnable, &
que ie n’en suis pas l’autheur ny l’instigateur.

Apres tout qu’y a-t’il à dire, n’ay-je pas sait mes affaires en
habille Docteur & sage Politique, pour me conseruer dans ma
fortune. Que les Messieurs se plaignent tant qu’ils voudront :
fourbe à fourbe, il n’y a que la main : S’ils auoient pû me faire
quitter la place, ils l’auroient infailliblement fait : Ie suis si asseuré
de leur bonne volonté, que ie leur en ai autant d’obligation
que s’ils l’auoient fait.

Ie vous puis bien dire en confiance, que si Dieu me conserue
dans l’estat où ie suis iusques à la majorité du Roy de France, que
ie ferai bien voir du pais aux vns & aux autres, aux Princes & à
leur fauoris, & que ie leur monstrerai que i’ai esté esleué en bonne
escolle. Ie voids bien que les Princes peschent en eau trouble,
& qu’ils vsurpent impunément dans les Prouinces l’authorité



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