Anonyme [1649], LE POLITIQVE ESTRANGER, OV LES INTRIGVES DE IVLES MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_2814. Cote locale : A_7_2.
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de l’vn & de l’autre, & que commençant par Chauigni,
ie viendrois bien à bout de la Riuiere auec le temps par le moyen
d’vne Ligue que i’auois desia commencée auec le Prince de
Condé, qui a tousiours eu dessein d’empescher autant qu’il
pourroit la promotion de la Riuiere, parce que ce Prince apprehende
qu’il ne vueille gouuerner l’Estat pendant la Regence,
s’il deuenoit Cardinal, & croit qu’il lui seroit aisé de le faire en
se seruant de l’authorité de son Maistre, & qu’ainsi il seroit à la
merci de l’ambition de ce faquin, & sujet aux foiblesses & aux
laschetez du Duc d’Orleans.

 

Songez que celuy qui parle est vn insolent, qui a ioint la
perfidie à la qualité d’estranger, & detestez l’audace qu’il a de
parler auec tant de mespris d’vn Prince, non moins grand par
ses vertus que par sa naissance, & qu’il ne peut appeller lasche
qu’à cause peut-estre qu’il a assez de bonté pour le laisser
viure.

Me voila donc ligué auec la Riuiere pour faire chasser entierement
Chauigny, & en mesme temps ligué contre la Riuiere
auec le Prince de Condé, à qui i’auois promis d’empescher de
tout mon pouuoir, & à Rome & enuers la Reyne la promotion
de la Riuiere, pourueu qu’il voulust en temps & en lieu declarer
que le Prince de Conty son frere vouloit estre Cardinal.

Sur ces entrefaictes ie fais resoudre au Conseil l’emprisonnement
de Chauigny, & i’enuoye le sieur le Tellier de Ruëlle
où la Cour estoit à Paris, & luy donne ordre de le faire arrester
dans son Gouuernement du Bois de Vincennes. I’en fus
au mesme temps donner aduis à la Riuiere, qui en sauta de
ioye, & me promit derechef que Monsieur le Duc d’Orleans me
protegeroit hautement contre tous, & enuers tous.

Le ieu de la Riuiere faisoit des merueilles pour moy dans ce
moment, par la ioye qu’il auoit de voir son ennemy renuersé,
& l’esperance qu’il auoit que son chappeau de Cardinal arriueroit
apres Noël, & qu’il auroit entrée au Conseil, où estant il
faisoit son compte qu’il viendroit aisément à bout de moy par
l’authorité de son Maistre.

Toutes choses ainsi disposées i’auois autant besoin de la faueur



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