Anonyme [1649], LE POLITIQVE ESTRANGER, OV LES INTRIGVES DE IVLES MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_2814. Cote locale : A_7_2.
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Souuenez-vous, ie vous prie (mon fils) que vous n’auez iamais
beaucoup estudié, & que vous n’estes pas paruenu à vne si haute
fortune par la capacité de vostre esprit, que ce n’a esté que par
l’heureuse rencontre du Cardinal de Richelieu, qui vous a esleué
& mis en sa place aussi-tost pour augmenter sa reputation que pour
vous faire plaisir, & que vous estes peu instruit dans les maximes &
dans les coustumes de l’Estat que vous gouuernez.

La faute que vous auez faite n’agueres en faisant mettre vn
Conseiller de la Cour en prison à contre-temps, qui mit toute la
France à la veille d’vn horrible renuersement, vous deuroit perfectionner
de quelque experience parmy les peuples, & l’aigreur
que cette illustre partie de l’Estat a tesmoigné contre vous, vous
deuroit apprendre selon les maximes de nostre nation, que vous
ne vous y deuez iamais fier : & à chercher les moyens de vous en
passer, si ce n’est que vous essayez de les acquerir par des bons succez
qu’ils connoistront prouenir de vostre bonne conduitte. Car
puisque le nombre de ceux que vous croyez auoir corrompus aux
despens de la France, ne surpasse pas celuy des incorruptibles. Vous
deuriez considerer que c’est inutilement que vous vous efforcez
de gaigner à vous cette saine partie de l’Estat, à qui vous n’auez peu
cacher que vous songiez plus à vostre seureté particuliere pendant
les troubles des barricades que vous auiez excitez, que la seureté
generale de l’Estat & du repos public.

Enfin vos meilleurs amis de pardeça, disent que tous les ordres
du Royaume ont suiet de se plaindre de vous, & i’ay oüy dire à vn
François qui a de grandes habitudes & de grandes intrigues à la
Cour de France, que tout ce qu’il y a d’honnestes gens dans le
Royaume vous voudroient auoir veu pendre, & que les peuples
sont sur les termes d’vn sousleuement general pour vostre seule
consideration.

Les partisans du fauory du Duc d’Orleans publient icy tout haut
que vous les fourbez, son maistre & luy par vn acte de la plus grande
ingratitude que vous soyez capable de commettre, & que luy
ayant promis de le faire Cardinal apres en auoir receu ses remerciemens
& sa gratitude, qui consistoit en vn effect d’vne puissante
protection de la part de son Maistre, dans le temps que toute la
France ne respiroit que vostre ruine auec le Parlement, & que la
Reyne mesme commençoit à se desgouster de vous, en sorte qu’elle



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